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«One Health» – mit neuem Gesundheitsverständnis gegen die nächste Pandemie

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Préambule

Texte: Samuel Schlaefli
Présentation: Seraina Hügli & Lucas Pfister (Capisci)
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Jakob Zinsstag fait partie d’une école de chercheuses et de chercheurs qui ont très tôt mis en garde contre les risques de zoonoses – des maladies infectieuses qui se transmettent des animaux à l’homme.

Depuis plus de 20 ans, l’épidémiologiste aide des pays d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique à enrayer les zoonoses. Pour y arriver, il lutte contre le clivage qui existe entre médecine humaine et vétérinaire, et prône une recherche qui associe différentes disciplines et qui implique les populations concernées. Jakob Zinsstag a très fortement influencé le concept «Une seule santé» et se bat en tant que pionnier pour sa mise en pratique dans le monde entier.

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Dans ce reportage web, nous nous demandons: comment éviter une nouvelle pandémie, et quel rôle peut y jouer un changement de paradigme en médecine vers «Une seule santé»?
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En effet, le SARS-CoV-2 ne représente qu’un seul des milliers d’autres virus susceptibles de se transmettre d’un animal sauvage à l’homme. La déforestation, la destruction des habitats naturels et l’élevage intensif contribuent à l’augmentation continuelle du risque. Selon les experts, l’ère des pandémies ne fait que commencer.
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Pour la réalisation de ce reportage, Jakob Zinsstag nous a donné libre accès à ses archives personnelles qui couvrent 30 ans de recherche sur le terrain. Les photographies du chercheur et nos rencontres personnelles avec lui nous ont servi de modèles pour la création des illustrations. Les aspects importants de «Une seule santé» ont été traités dans des sous-chapitres et approfondis par des entretiens avec des expertes et des experts.
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Vue d’ensemble

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Proche des animaux

Le vétérinaire du Jura devenu directeur de recherche à Abidjan
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Lorsque Jakob Zinsstag n’était pas en train de mener ses travaux de recherche en Mongolie, en Tanzanie, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire ou en Éthiopie, alors nous étions sûrs de pouvoir le trouver dans son bureau de l’Institut tropical à Bâle, du moins jusqu’au déménagement de fin 2021. C’est-à-dire au «Tropeli», comme les Bâlois aiment l’appeler, même s’il se nomme Institut tropical et de santé publique suisse ou «Swiss Tropical and Public Health Institute» depuis longtemps (Swiss TPH).

La série de photographies que nous vous proposons ci-après livrent quelques impressions du quotidien de cet épidémiologiste, par ailleurs grand voyageur.

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Juste après l’entrée de l’ancien bâtiment de style classique, on arrive dans l’espace public où des générations de Suisses, hommes et femmes, futurs missionnaires, coopérants, chercheurs et voyageurs se sont faits vaccinés – contre le typhus, la rage, l’hépatite et la fièvre jaune.
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Contre des virus qui pour la plupart d’entre nous font partie d’un autre monde. Un monde qui, pour une minorité, marque le début de l’aventure en terre inconnue et de l’autostop sur des pistes défoncées. Pour une vaste majorité, ce sont en revanche la pauvreté, les mauvaises conditions d’hygiène et les épidémies à répétition qui y déterminent le quotidien. Au-delà de cet espace public où les jeunes touristes qui voyagent sac au dos, les cheffes d’entreprises internationales et les ethnologues se côtoient en attendant leurs piqûres et leurs tampons, on arrive dans une nouvelle construction sans âme. C’est ici que nous avons rencontré pour la première fois l’épidémiologiste Jakob Zinsstag en juin 2021.
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Audio: Des appels en provenance du monde entier convergent vers le modeste bureau de Zinsstag. Au cours d’une conversation sur Zoom, il discute avec un doctorant du Libéria et des chercheurs de l’Institut Pasteur de problèmes rencontrés lors de l’isolation de virus de la rage. Dans la conversation, il passe sans problème du français à l’anglais, les deux langues les plus importantes pour ses recherches.

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Garmie Voupawoe, un doctorant de Zinsstag, étudie des souches du virus de la rage au Liberia. Il a essayé d’en isoler les ARN à partir de prélèvements sur des chiens, afin que l’Institut Pasteur puisse les analyser. Toutefois, quelque chose n’a pas fonctionné correctement lors de la prise des échantillons. Bien que séparés par des milliers de kilomètres, les chercheurs cogitent maintenant ensemble sur les solutions envisageables, en visioconférence sur internet.
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Le Swiss TPH est associé à l’Université de Bâle. Ses principaux sujets de recherche sont les maladies infectieuses, les maladies non transmissibles, les interdépendances entre environnement, société et santé, ainsi que les systèmes de santé nationaux. Les chercheuses et chercheurs travaillent dans plus de cent pays répartis dans le monde entier, surtout dans ceux qui n’ont qu’un revenu moyen ou bas. Aujourd’hui le Swiss TPH exploite à lui seul 15 centres de recherche en Afrique, dont le «Ifakara Health Institute» en Tanzanie et le «Centre Suisse de Recherche en Côte d’Ivoire», qui font partie des meilleures stations de recherche de ce continent. Depuis le début de l’année 2020, le Covid-19 est aussi devenu un sujet d’étude important. Plus de 20 projets sont directement liés à la pandémie actuelle.

Des doctorantes et des doctorants issus de pays du Sud et de la Suisse travaillent de manière globale à différents endroits, par-delà les frontières. La porte de son bureau est toujours ouverte pour eux, par exemple pour Said Abukahttab, qui souhaite améliorer les conditions d’hygiène tout au long de la chaîne de transformation de la volaille dans son pays d’origine, la Palestine. Il veut y créer un centre «One Health»; ou pour Ayman Ahmed, qui prépare une dissertation sur le virome de mouches du Soudan, qui servent d’hôtes intermédiaires dans la transmission de maladies infectieuses à l’homme.

 

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Zinnstag est parti de la ferme et a terminé son parcours à l’université, au Swiss TPH. Enfant déjà, il se comporte de façon très naturelle avec les animaux. Partout autour du petit garçon il y a des animaux: des chiens et des chats à la maison, des vaches, des cochons et des poules à la ferme de ses grands-parents. Il apporte régulièrement son aide à la ferme, il est présent à la mise-bas de veaux et nettoie les étables.

Après le gymnase, il étudie la médecine vétérinaire à Berne et en 1986 il commence son assistanat en tant que vétérinaire dans le Jura. Il aide les fermiers lorsque des vaches ou des chevaux tombent malades sans raison apparente et que la médecine naturelle et tous les rituels ancestraux se suffisent plus. «Monsieur, on vous appelle parce que le secret n'a pas marché», lui disent alors les gens. Il passe presque autant de temps dans les écuries garnies de fumier et de foin que dans son cabinet propre et en ordre. Et souvent, dans les fermes, on lui demande par la même occasion de s’occuper de l’un ou l’autre mal dont souffre la paysanne ou le paysan.

À la fin des années 1980, Zinsstag commence à s’ennuyer et sa curiosité le pousse à quitter les fermes natales pour aller faire de la recherche en Afrique et en Asie. Deux continents qui le fascinent depuis tout petit. En 1994, il reprend la direction du «Centre Suisse de Recherches Scientifiques» à Abidjan, capitale de la Côte d’Ivoire.

 


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Ses débuts sur place sont tragiques: en novembre 1994, huit chimpanzés sont trouvés morts dans le parc national de Tai, et peu après une jeune doctorante s’infecte avec un virus pathogène. Contre l’avis de Zinsstag, elle a autopsié un de ces animaux. Elle est atteinte de fièvre, de diarrhées, de vomissements et des taches rouges apparaissent sur sa peau. Comme ni les médicaments contre la malaria ni les antibiotiques ne soulagent les symptômes, elle est finalement évacuée par la Rega et transportée à l’hôpital universitaire de Bâle en avion.

La doctorante a eu de la chance: le «Tai Forest Ebola Virus» identifié suite à cette infection était beaucoup moins mortel que celui dont la souche a causé 20 ans plus tard une épidémie sans précédent en Afrique de l’Ouest. 11'000 personnes sont décédées du virus qui porte le nom du fleuve de la République Démocratique du Congo, le long duquel la première infection a été diagnostiquée en 1976. Les chauves-souris et les roussettes constituent le réservoir principal du virus. Celui-ci peut disparaître pendant des années avant de réapparaître tout à coup et de se transmettre à l’homme. Les maladies infectieuses de ce type, qui touchent les animaux et les humains et qui peuvent traverser les barrières des espèces, sont appelées des zoonoses.

Sur la page suivante, nous présentons plus en détails quelques-unes des zoonoses les plus connues.


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1920s HIV/VIH (Human Immunodeficiency Virus/virus de l’immunodéficience humaine)

Virus:
VIH
Réservoir naturel: chimpanzés pour le VIH de type 1, et singes verts Mangabey (de type babouins) pour le VIH de type 2
Hôte intermédiaire: aucun
Première apparition: Kinshasa, République Démocratique du Congo
Dissémination: dans le monde entier
Symptômes: semblables à ceux de la grippe, fièvre, perte de poids, destruction des cellules T et immunodéficience
Décès: jusqu’à 47,8 millions (situation à la fin 2020)

1996 grippe aviaire (Highly pathogenic avian influenza/Influenza aviaire hautement pathogène)

Virus: H5N1
Réservoir naturel: oiseaux sauvages aquatiques
Hôte intermédiaire: volailles
Première apparition: Guangdong, Chine
Dissémination: pays d’Asie du Sud-Est (plus de 100 millions de poules et de canards sont morts ou ont dû être abattus)
Symptômes: fièvre élevée, détresse respiratoire, pneumonie
Décès: 455 (situation en décembre 2020)

1976 Ébola (Ebola virus disease/maladie à virus Ébola)

Virus: virus Ébola
Réservoir naturel: probablement roussettes africaines et chauves-souris
Hôte intermédiaire: singes
Première apparition: simultanément dans la République démocratique du Congo et au Soudan du Sud
Dissémination: jusqu’à ce jour propagation la plus importante entre 2014 et 2016 en Guinée, au Libéria et en République de Sierra Leone
Symptômes: fièvre, vomissements, diarrhées
Décès: 11’323 (2014 – 2016)

2003 SARS (Severe acute respiratory syndrome/syndrome respiratoire aigu sévère)

Virus:
SARS-CoV
Réservoir naturel: chauves-souris (grand rhinolophe ou grand fer à cheval)
Hôte intermédiaire: Viverridés (civette palmiste à masque)
Première apparition: Guangdong, Chine
Dissémination: 26 pays situés en Asie, en Europe, en Amérique du Nord et du Sud
Symptômes: forte fièvre, pneumonie
Décès: 916 (situation en octobre 2021)

2012 MERS (Middle East respiratory syndrome/syndrome respiratoire du Moyen-Orient)

Virus:
MERS-CoV
Réservoir naturel: probablement chauves-souris
Hôte intermédiaire: chameaux
Première apparition: Arabie Saoudite
Dissémination: 27 pays, en 2015 explosion de cas en Corée du Sud
Symptômes: fièvre, diarrhées, détresse respiratoire
Décès: 888 (situation en octobre 2021)

2019 COVID-19 (Coronavirus disease 2019/maladie à coronavirus 2019)

Virus:
 SARS-CoV-2
Réservoir naturel: probablement chauves-souris
Hôte intermédiaire: inconnu (situation en février 2022)
Première apparition: Wuhan, Chine
Dissémination: mondiale
Symptômes: forte fièvre, douleurs thoraciques, pneumonie, perte de l’odorat et/ou du goût
Décès: 5'727'698 (situation le 5.02.2022)

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Tchad 1998

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Dans les pays occidentaux industrialisés et prospères, la plupart des gens n’avaient plus conscience du danger que représentent les maladies infectieuses d’origine virale, jusqu’à l’apparition du SARS-CoV-2. Grâce à d’importants efforts de recherche et d’investissements dans nos systèmes de santé, nous avions réussi à éradiquer les zoonoses, comme par exemple la rage, et à nous protéger contre les épidémies, notamment contre le SARS. Les maladies infectieuses zoonotiques font par contre partie du quotidien des personnes vivant en Afrique et en Asie, plus particulièrement lorsqu’elles sont défavorisées. Aujourd’hui encore, des millions de personnes souffrent de maladies transmissibles – anthrax, tuberculose, brucellose, rage, encéphalite japonaise, fièvre de Lassa et maladie du sommeil.

Chaque année 50 millions de personnes, 80 % d’entre elles résidant dans des pays de l’hémisphère sud en voie de développement, sont infectées par le ténia du porc (Taenia solium), qui se transmet à l’homme via le porc et qui peut provoquer une encéphalite. Entre 1996 et 2009, 53 % de toutes les nouvelles maladies infectieuses qui se sont déclarées concernaient le continent africain. Déjà avant l’épidémie de Covid-19, les zoonoses causaient près de deux millions de décès par année, pour la plupart dans des pays très touchés par la pauvreté.

Le manque d’eau, l’absence de service de ramassage des déchets, un système étatique dysfonctionnel et les atteintes à l’environnement favorisent le déclenchement d’épidémies. C’est pourquoi la recherche de Jakob Zinsstag est souvent étroitement liée à la coopération et au développement. Le chercheur n’a pas pour seul objectif d’acquérir de nouvelles connaissances, mais aussi d’améliorer les conditions de vie des gens. D’ailleurs les résultats de ses travaux ne sont pas uniquement visibles dans les revues scientifiques, mais aussi dans le quotidien des personnes.
Marcel Tanner, ancien directeur du Swiss TPH, prit contact avec Zinsstag en 1997. Celui-ci était alors en train de rédiger sa thèse en épidémiologie, en plus de ses fonctions de directeur du centre de recherche en Côte d’Ivoire. Tanner voulait lui confier un projet visant à améliorer l’accès aux soins des nomades tchadiens. Zinsstag accepta – une décision déterminante pour la suite de sa carrière. Chameaux, bovins, chèvres et ânes constituent les principales richesses des nomades, d’où leur proximité quotidienne avec ces animaux. Mais celle-ci les confronte aussi au risque de contracter des zoonoses.

Zinsstag commença ses travaux de recherche sur la rive sud-est du lac Tchad en 1998 et se rendit très vite compte que les animaux étaient souvent vaccinés contre toute une série de maladies, mais pas les nomades. Quelqu’un lui dit alors: «Nous sommes responsables de la santé de nos animaux; Dieu de la nôtre.» Aucun enfant n’était complètement vacciné contre la coqueluche, la diphtérie ou le tétanos, ce qui expliquait en partie le taux de mortalité infantile élevé. L’autre cause était que les nomades passent à travers les mailles du système de santé national, parce qu’ils se déplacent continuellement pour trouver de l’eau et du fourrage.

 
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Alors que Zinsstag se creusait les méninges dans les étendues sablonneuses du Tchad pour trouver une solution à la situation sanitaire misérable du pays, il a tout à coup repensé à l’œuvre de Calvin Schwabe, un Américain vétérinaire et épidémiologiste, exactement comme lui. Il se souvient: «Cela a été une sorte de révélation pour moi.» Dans les années 1960 déjà, Schwabe réclamait une approche conjointe des médecines humaine et vétérinaire. Il remettait en question la séparation usuelle entre la médecine humaine et celle qui se consacrait aux animaux. Ses recherches sur le terrain consacrées aux nomades du Soudan l’ont amené à écrire qu’il n’y avait pas de changement de paradigme entre les deux disciplines médicales, qu’elles se basaient toutes deux sur les mêmes connaissances.

La fondation à Lyon en 1761 de la faculté de médecine vétérinaire a institutionnalisé la séparation entre cette discipline et la médecine humaine, comme le démontre l’historienne de la médecine Abigail Woods dans un livre consacré à ce sujet. Le fondateur de la faculté, Claude Bourgelat, voulait aussi consacrer une partie de son école à la médecine humaine, mais cela lui a été interdit. Zinsstag est convaincu que «c’est à ce moment-là qu’a débuté la pensée en silos en médecine.» Depuis lors, la médecine humaine est considérée comme la reine des disciplines, alors qu’une légère odeur d’étable colle toujours à la médecine vétérinaire. Le chercheur l’exprime aussi de cette façon: «Les vétérinaires sont considérés comme des médecins de deuxième classe dans la plupart des cultures.»

 
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Le génome humain correspond à 99 % à celui du chimpanzé et à 95 % à celui du porc. C’est pourquoi un virus capable d’anéantir un cochon a de fortes chances de causer aussi des dégâts chez l’être humain. «Ce n’est pas sans raison que pratiquement tous les médicaments sont d’abord testés sur des animaux avant d’être autorisés pour l’usage humain», dit Zinsstag. «Ainsi les systèmes de santé publique doivent obligatoirement être pensés en partant du principe qu’il y a un continuum entre les humains et les animaux, et que les virus et autres agents pathogènes peuvent passer assez facilement des uns aux autres.» L’épidémiologiste est convaincu que pour protéger les humains contre les zoonoses, comme la rage, Ébola ou le SARS-CoV-2, il faut passer par les animaux.

La rage, par exemple, pourrait être éradiquée en Afrique ou en Asie, comme cela a été possible dans de nombreuses régions d’Europe, si l’attention se portait sur les animaux. «Deux ou trois milliards d’euros permettraient de vacciner tous les chiens des villes et de faire disparaître cette maladie épouvantable», selon Zinsstag. Cette zoonose est la plupart du temps contractée suite à une morsure par un chien et sans vaccination elle est mortelle dans quasi 100 % des cas. Dès que les premiers symptômes apparaissent, c’est déjà trop tard. Jusqu’à aujourd’hui près de 60'000 personnes meurent chaque année de la rage, surtout en Afrique et en Asie. Une équipe du Swiss TPH a démontré en 2013 que ces morts seraient évitables par des campagnes de vaccination intégrée: 1.5 millions de personnes et 35'000 chiens de la capitale tchadienne N’Djamena ont été vaccinés à deux reprises, et la rage a pu être temporairement éradiquée dans cette ville. Depuis des années, le chercheur plaide auprès des organisations internationales et des gouvernements africains en faveur de l’éradication de cette maladie.

Calvin Schwabe a nommé sa pratique intégrée de la médecine humaine et de la médecine vétérinaire «One Medicine». Zinsstag l’a appliquée pour la première fois au Tchad. Chaque fois qu’une vétérinaire se rendait dans un village reculé pour y vacciner les animaux contre l’anthrax et la péripneumonie, elle emmenait avec elle du personnel soignant. Pendant que l’une s’occupait de vacciner les vaches, les autres rassemblaient les enfants, les femmes et les hommes et les vaccinaient contre la fièvre jaune, la diphtérie, le tétanos et la coqueluche.

 
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Une chercheuse et des chercheurs ont pu montrer dans une étude publiée en 2007 qu’un essai pilote de cinq ans réalisé au Tchad a permis pour la première fois d’immuniser complètement 10 % des enfants âgés d’un à onze mois. Le programme intégré a permis de passer de 100 à 130 vaccinations quotidiennes de femmes et d’enfants. De plus, la coopération étroite nouvellement instaurée entre les services de médecine humaine et de médecine vétérinaire a considérablement réduit les frais de transport du personnel et du matériel, de même que les coûts de réfrigération des doses de vaccins. Des campagnes de vaccination séparées pour les hommes et pour les animaux auraient coûté 15% de plus, selon les chercheuses et les chercheurs. Exploiter les synergies existantes en matière de transport et de chaîne du froid s’est avéré payant. Pour la première fois, une partie de la population qui traditionnellement n’avait pas accès aux soins de santé a pu être recevoir cette vaccination de base.

Après 1998, Jakob Zinsstag est régulièrement retourné au Tchad pour ses recherches. Les photos de la galerie ont été prises en 2013, lors d’une expérience sur le terrain avec des éleveurs du groupe ethnique Peul, ou Foulani, au bord du lac Tchad.

 
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L’ère des pandémies

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À partir de la «One Medicine» de Schwabes, Zinsstag développe la théorie «One Health – Une seule santé»; il s’agit d’une approche holistique de la santé qui se distancie de la spécialisation croissante en médecine humaine et en médecine vétérinaire. Il utilise officiellement le terme «One Health» pour la première fois en 2005 dans un article publié par la prestigieuse revue médicale «The Lancet». Il y présente les expériences qu’il a accumulées au Tchad et décrit comment il est possible de suivre le développement d’une zoonose en contrôlant de manière intégrée la présence de virus à la fois chez les animaux et chez les êtres humains.

Pour démontrer le potentiel de l’approche «Une seule santé», il décrit le déclenchement d’une épidémie d’infections par le virus de la fièvre de la Vallée du Rift en Mauritanie. Dans un premier temps, les symptômes observés chez les femmes et les hommes ont conduit par erreur au diagnostic de la fièvre jaune. Ce n’est que lorsque les services vétérinaires ont été impliqués et qu’ils ont annoncé des cas de fièvre de la Vallée du Rift sur la base d’avortements observés chez les animaux d’élevage, qu’un diagnostic correct a également pu être posé chez les êtres humains.

En 2005, il écrivait: «Cette double approche pourrait même être élargie aux animaux sauvages, ce qui toutefois se passe rarement, car ce sont des institutions différentes qui s’occupent de la même maladie, mais souvent de manière mal coordonnée.» Lors de séjours consacrés à la recherche en Mongolie et en Afrique de l’Ouest, il s’est rendu compte que les services de médecine humaine et de médecine vétérinaire communiquent rarement entre eux, bien qu’en matière de zoonoses et de propagation d’épidémies cela serait très pertinent.


 
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La contribution de Zinsstag dans la revue «The Lancet» est parue neuf ans après l’apparition de la grippe aviaire en Asie du Sud-Est, sept ans après la propagation du virus Nipah en Malaisie et à Singapour et deux ans après la dissémination du virus du SARS en Chine, virus qui s’est répandu dans 26 pays et qui a presque déclenché une pandémie. Ses appels au changement d’alors revêtent presque un aspect prophétique, lorsque l’on considère ce qui s’est produit ensuite à Wuhan en décembre 2019.

L’épidémiologiste craignait que la multiplication des médicaments antiviraux et la recherche de nouveaux vaccins ne suffisent pas à enrayer de futures pandémies. Selon lui, il était urgent d’adapter les élevages d’animaux de rente et les marchés d’animaux vivants aux nouveaux risques. Il attirait l’attention sur le fait que les poules et les porcs faisaient de plus en plus souvent office de réservoirs de maladies infectieuses. En effet, les élevages de masse, avec leurs milliers d’animaux génétiquement similaires confinés dans un espace très restreint, offrent un terrain idéal à la propagation d’agents zoonotiques pathogènes et à leur transmission à l’être humain. C’est pourquoi les interactions entre les animaux domestiques et les animaux sauvages, souvent à l’origine des pandémies, doivent absolument être réduites à un minimum – surtout dans les marchés d’animaux vivants, écrivait Zinsstag en 2005.

 
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Zinsstag savait très bien de quoi il parlait. Lors de ses voyages en tant que chercheur en Asie et en Afrique, il était chaque fois choqué des conditions qui prévalaient sur les marchés où les animaux sauvages et les animaux de rente étaient gardés, abattus et vendus dans un espace très restreint. Les serpents à côté des volailles, les pangolins à côté des sangliers. Les carcasses étaient souvent exposées à la vente en plein soleil, attaquées par les insectes et la pourriture.

Zinsstag s’emporte: «Ces marchés sont de vrais bouillons de culture pour virus et devraient être interdits – ou au moins être beaucoup mieux surveillés.» Grand voyageur, le chercheur est bien conscient que ce serait problématique d’exiger leur fermeture. Des millions de personnes dépendent de ces marchés qui sont aujourd’hui encore ancrés dans le quotidien de nombreuses cultures.

 
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«Pour moi et pour la majorité des épidémiologistes, l’arrivée du Covid-19 n’a pas été une très grande surprise», dit Zinsstag. Une accumulation de facteurs indiquaient l’imminence d’un tel déclenchement: en premier lieu, les conditions dans lesquelles se tiennent les marchés d’animaux sauvages, de plus en plus vastes, puis l’intensification de l’agriculture et les déserts génétiques que constituent les élevages de masse motivés par le seul profit. Depuis la mise en garde publiée en 2005, le risque qu’un agent pathogène zoonotique provoque une pandémie n’a fait que croître. Entre 2011 et 2018 uniquement, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a recensé 1483 épidémies dans 172 pays, dont la grippe, le SARS, les maladies à virus Ébola et Zika, la peste et la fièvre jaune.

Ces risques de propagation de maladies infectieuses zoonotiques étaient connus depuis longtemps, et pas seulement des scientifiques. Les institutions de santé publique nationales et internationales ont aussi réitéré les mises en garde contre l’irruption d’une pandémie, comme l’illustrent à titre d’exemple ces trois rapports des années 2005, 2012 et 2019.

 
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«Un monde en péril», OMS 2019 Des expertes et des experts de l’OMS mettaient en garde avec insistance contre le risque croissant de pandémie, quelques mois seulement avant le déclenchement de celle de coronavirus. Ils écrivaient que le monde n’était pas prêt à lutter contre une infection se transmettant de manière rapide par les voies respiratoires. L’augmentation constante de la mobilité pouvait conduire en très peu de temps à la dissémination mondiale d’un virus ou d’une bactérie. Ils ont calculé qu’un virus aussi contagieux que la grippe espagnole de 1918 se propagerait sur toute la planète en moins de 36 heures, vu que la population mondiale avait quadruplé et que les vols intercontinentaux étaient beaucoup plus fréquents. Les conséquences envisagées étaient les suivantes: 50 à 80 millions de morts, panique, instabilité politique et effondrement de l’économie.

Council for Agricultural Science & Technology, 2005 Une task force composée de chercheuses et de chercheurs, de responsables de services vétérinaires nationaux et de l’OMS décrivaient les plus importants facteurs contribuant à la dissémination d’agents pathogènes zoonotiques: forte croissance de la population, augmentation de la mobilité, destruction de l’environnement, nouvelles interfaces de transmission créées par les dérangements de la faune ou par le commerce d’animaux, changements profonds dans l’agriculture avec une augmentation des monocultures, élevage d’animaux au patrimoine génétique identique et usage excessif d’antibiotiques. Les gouvernements étaient appelés à investir davantage dans la surveillance des zoonoses.

«Ecology of Zoonoses», W. Karesh et al., Lancet 2012 Dans cet article, William Karesh, pionnier américain de «Une seule santé», et une équipe de co-autrices et co-auteurs attirent l’attention sur le fait que les zoonoses infectent chaque année un milliard de personnes et causent des millions de décès. Pour les auteurs, ce sont les zoonoses endémiques qui représentent le danger sanitaire majeur pour l’humanité. Ils réclament une meilleure collaboration entre les médecins cliniciennes et cliniciens, les expertes et les experts en santé publique, les écologistes, les vétérinaires et les économistes, afin de mieux comprendre ces maladies et de développer des mesures de prévention plus efficaces.

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Le risque croissant de pandémie, comme celle de Covid-19 que nous venons de vivre, était donc connu depuis longtemps. Le zoologiste Peter Daszak parle depuis des années d’une «ère des pandémies». Le français Serge Morand, écologiste de la santé, évoque de son côté une «épidémie de pandémies». Jakob Zinsstag est lui aussi convaincu que le Covid-19 ne sera pas la dernière pandémie. Il considère toutefois que notre meilleure chance d’échapper à ces infections en chaîne réside dans la mise en pratique de «Une seule santé».

Les praticiennes et praticiens de «Une seule santé» ne réfléchissent pas uniquement en terme de maladies et de thérapies possibles. Ils pensent plutôt en «systèmes environnement – êtres humains», comme la lauréate du prix Nobel Elinor Ostrom l’a décrit. Ils essaient d’aborder la résistance aux antibiotiques en lien avec la sécurité de l’approvisionnement alimentaire, avec l’hygiène sur les marchés d’animaux, avec les ressources en eau et avec les risques de maladies zoonotiques. Il est clair pour eux que les mesures de santé publique à l’intérieur des systèmes sociaux sont toujours vouées soit au succès soit à l’échec; c’est à dire que la prévention et les thérapies ne fonctionnent que lorsqu’elles sont adaptées aux conditions locales.

Ou comme Zinsstag le dit: «Cela ne sert à rien de livrer des vaccins dans des endroits où absolument personne ne comprend à quoi ils peuvent bien servir.» Et c’est tout aussi inutile de vouloir impliquer des gens dans la lutte contre les zoonoses, s’ils n’ont encore jamais entendu parler de telles maladies.

 
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Les avantages pour la santé publique de l’approche «Une seule santé» sont aujourd’hui largement reconnus, du moins au niveau des Nations unies. Depuis 2010, elle se concrétise par une coopération technique entre l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Au début, c’est la grippe aviaire, la rage et la résistance aux antibiotiques qui étaient au centre des préoccupations, puis la maladie à virus Ébola et le Covid-19 s’y sont ajoutés. Le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE – UNEP) a rejoint l’organisation tripartite en 2020. Ainsi l’attention des Nations unies s’est aussi davantage portée sur les interdépendances entre l’environnement et les zoonoses. En mai 2021, le «One Health High-Level Expert Panel» (OHHLEP) a été créé. Composé de quelques-unes et quelques-uns des meilleurs épidémiologistes, virologistes, immunologistes, expertes et experts en sciences de l’environnement, le groupe se consacre spécialement aux maladies zoonotiques.

Depuis la pandémie, les workshops, les groupes de discussion et les rapports interdisciplinaires sur le sujet «Une seule santé» sont à la mode. Des dizaines d’organisations d’aide au développement, d’ONG et de Think-Tank font du lobbying en faveur de «Une seule santé», ou même de «Une seule santé planétaire». Dans un rapport d’expertes et d’experts mandatés par les pays du G20, daté de juin 2021, le terme «One Health» apparaît 30 fois – sans que le concept soit défini une seule fois et sans explications sur les possibilités de le mettre en œuvre.

En octobre 2021, un réseau composé de 270 hautes écoles, ONG et organisations du monde de la santé a présenté la «Sao Paulo Declaration on Planetary Health». Même si la déclaration énumère tous les maux de la planète – réchauffement climatique, perte de la biodiversité, augmentation des inégalités – et évoque avec beaucoup de pathos «la grande transition» et «un monde postpandémique résilient», elle ne donne quasiment pas d’informations sur ce que cette «santé planétaire» implique comme réforme du système de santé global, et comment elle pourrait être mise en pratique.

Le médecin et activiste du climat Eckart von Hirschhausen a dit une fois lors d’une réunion-débat sur le sujet: «Une seule santé c’est comme la paix dans le monde. Tout le monde trouve que c’est bien, mais personne ne sait comment on peut y parvenir.» Jakob Zinsstag ne sait pas non plus comment atteindre la paix dans le monde. Par contre en ce qui concerne la mise en pratique de «Une seule santé», personne n’a autant d’expérience que lui.

 
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D’égal à égal

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En 2016, Jakob Zinsstag s’est rendu dans le département du Petén au Guatemala avec des ethnologues et des linguistes du Swiss TPH pour mettre sur pied un système de surveillance des maladies zoonotiques en collaboration avec les communautés rurales Mayas. Celles-ci ont par le passé régulièrement souffert d’épidémies de brucellose et de leptospirose, toutes deux des infections bactériennes transmises par les animaux, ou pour la seconde aussi par l’eau contaminée. Les chercheuses et les chercheurs voulaient combiner l’approche biomédicale du Swiss TPH aux pratiques traditionnelles de la médecine Maya. L’idée était de localiser plus rapidement les foyers d’infection et de pouvoir ainsi soigner plus efficacement les êtres humains.

La langue, l’appartenance éthique, la vision du monde, les valeurs et la culture sont capitales lorsque l’on souhaite mettre en pratique des interventions de santé publique. C’est pourquoi le groupe de Zinsstag a travaillé en étroite collaboration avec Mónica Berger González, ethnologue de l’Universidad del Valle de Guatemala qui étudie depuis de nombreuses années les traditions médicales des Mayas.

Les chercheuses et les chercheurs ont d’abord dû comprendre et s’approprier les hiérarchies en place et la manière dont les Mayas se comportent face aux maladies animales et humaines. Pour y parvenir, Zinsstag a utilisé une poule malade comme «objet frontière», «boundary object» ou objet qui réunit. Il a d’abord demandé à un guérisseur Maya d’examiner la poule. Son diagnostic a été le suivant: la basse-cour entière est ensorcelée, il faut pratiquer une cérémonie d’exorcisme pour guérir l’animal. Et le diagnostic de Zinsstag: l’animal est atteint de gastrite, maladie facilement guérissable avec un antibiotique ordinaire.

Mónica Berger González raconte dans une vidéo du projet les incidences des zoonoses sur les Mayas et sa vision des avantages que les communautés pourraient retirer de l’approche «Une seule santé».

 
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L’objectif de Zinsstag et de ses collègues étaient de faire en sorte que ce soient les êtres humains eux-mêmes qui deviennent les détecteurs les plus efficaces du déclenchement des zoonoses. Pour cela il fallait qu’ils comprennent comment les zoonoses fonctionnent et pourquoi elles sont dangereuses. L’épidémiologiste explique que «les Mayas ont une vision fondamentalement positive des animaux. Ils ne peuvent pas s’imaginer que ceux-ci transmettent des virus à l’être humain et que cela puisse le rendre malade.»
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Des termes exacts ont été définis en Q`eqchi`, la langue locale, pour décrire la manière dont les villageoises pouvaient informer le personnel soignant d’un hôpital local de la présence de symptômes ou de perceptions spécifiques. «Le plus grand défi au Guatamala n’était pas de nature médicale, mais plutôt linguistique, dit Zinsstag. La clé du succès médical résidait dans la traduction.»
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Des traductrices ont participé à de nombreux workshops pendant lesquels elles ont dû traduire de Q`eqchi` en espagnol ou en anglais – et inversement – les manières d’exprimer les différents signaux ou symptômes. Ensemble elles ont défini 23 termes décrivant les troubles respiratoires, la fièvre ou les diarrhées correspondant à des signes cliniques connus. Des brochures ont également été élaborées dans la langue locale pour expliquer à la population comment s’exprimer clairement face au personnel médical. À partir de ce moment-là, dès que quelqu’un annonçait qu’il ou elle avait «susto» ou «itzel yax», le personnel des postes de santé locaux savait qu’il fallait être prudent, qu’il pouvait s’agir d’une zoonose et qu’il fallait procéder à des éclaircissements supplémentaires.
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Brigit Obrist a été une figure marquante de l’équipe de projet au Guatemala. L’ethnologue est aujourd’hui professeure honoraire de l’Université de Bâle. Elle a collaboré pendant près de 30 ans avec le Swiss TPH. Au départ elle voulait devenir médecin, mais elle a très vite remarqué que la médecine classique ne lui convenait pas. Elle a découvert la «médical anthropology» pendant ses études aux États-Unis. C’est-à-dire une ethnologie qui se focalise sur le rapport entre la condition humaine et la santé et sur le fait que la pratique médicale soulève souvent des questions existentielles sur la société et sur la culture.

Comme avant elle Jakob Zinsstag, elle a aussi été contactée dans les années 1990 par Marcel Tanner, futur directeur du Swiss TPH. Il a proposé à la jeune ethnologue de collaborer à un projet de recherche sur la santé dans la ville de Dar es Salaam en Tanzanie. «Marcel Tanner avait une vision plus large de la santé publique que la plupart des autres experts en santé», nous dit Brigit Obrist. «Il a compris très tôt que la santé dépend toujours aussi de la politique et que la vision de chacun sur la santé est en quelque sorte prisonnière d’une certaine compréhension du monde.»

Brigit Obrist pense que la biomédecine, avec ses produits pharmaceutiques, ses médicaments et ses vaccins, doit être considérée comme un acquis de notre société, au même titre que les modèles explicatifs de la santé et de la maladie applicables à d’autres sociétés.

 
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Se remémorant la collaboration avec les guérisseurs Mayas au Guatemala, elle dit: «Nous n’avons finalement pas réussi à créer un lien épistémique entre les guérisseurs et les personnes qui faisaient de la recherche en Suisse et à Guatemala City.» Les manières de concevoir la santé et la maladie étaient trop divergentes. De plus, les zoonoses représentaient une menace trop faible pour les Mayas du bassin de Petén, étant données les conditions difficiles dans lesquelles ils vivaient.

La dernière fois que Brigit Obrist a parlé avec sa collègue de recherche au Guatemala en 2020, la violence imputée à la guerre des clans s’était intensifiée et la pauvreté avait augmenté. Les paysans et les paysannes ne pouvaient plus travailler leurs terres à causes des menaces lancées par des bandes mafieuses. «Dans de telles conditions, plus personne ne s’intéresse à la surveillance des zoonoses.»

Pour elle, c’est là que réside un problème fondamental des interventions de santé publique dans l’hémisphère sud – aussi dans les projets «Une seule santé»: «Les réalités sociales et politiques sont souvent mises de côté au profit d’interventions ciblées basées avant tout sur des critères biomédicaux.» Avec le recul, l’ethnologue pense que l’ambition de départ au Guatemala était probablement un peu trop ambitieuse. «Cela nous a en tous les cas permis d’apprendre énormément de choses sur la signification des processus sociétaux liés à la santé et à la maladie.»

 
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Audio en allemand: Brigit Obrist voit un grand potentiel de changement social dans l’approche «Une seule santé», à condition qu’elle soit liée à des exigences politiques et à des revendications de réformes sociales.

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Malgré les revers, Jakob Zinsstag jette un regard un peu moins critique que Brigit Obrist sur le projet du bassin de Petén: «Beaucoup sont restés fidèles à leur compréhension de la santé, mais nous avons tout de même pu offrir des alternatives à la population», dit-il. «Après notre projet, bien des femmes ont décidé d’assister d’abord à une cérémonie avec le guérisseur du village, puis d’aller à l’hôpital pour soigner leur infection.»

Pour lui, la particularité de ce projet réside dans la réussite de la collaboration transdisciplinaire. Les épidémiologistes, les sociologues, les médecins et les vétérinaires de Suisse et du Guatemala ont travaillé étroitement avec les soigneurs locaux, les présidents de village, les infirmières et les politiques. Il pense que ce n’est qu’à partir d’un tel dialogue que des stratégies efficaces de lutte contre les zoonoses peuvent être développées.

Zinsstag lutte activement contre les silos qui se sont installés dans les sciences. Il préside le groupe qui soutient la recherche transdisciplinaire au sein des «Académies suisses des sciences» et est co-Président de la commission de l’OCDE pour la transdisciplinarité. Il s’aperçoit que cette compartimentation existe aussi dans le financement de la recherche en Suisse. En effet, ses projets vraiment systémiques et transdisciplinaires ont jusqu’à maintenant la plupart du temps été refusés.

 
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Un homme, une mission

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Entouré de quelques autres personnalités, Zinsstag se retrouve par un après-midi ensoleillé du mois d’octobre 2021 sur un podium dans la petite ville pittoresque de Sierre, lovée au milieu des vignobles valaisans. Il a été invité par Marie Monique Robin. La journaliste et réalisatrice française vient de publier le livre: «La fabrique des pandémies», dans lequel elle traite des causes de la pandémie de Covid-19. Elle est de plus en train de tourner un film documentaire basé sur le livre, dans lequel Zinsstag apparaîtra en tant qu’expert.

Près de 40 auditrices et auditeurs se sont rassemblés dans la salle baroque de l’«Hôtel de Ville», recouverte de parquet, tapissée de rose et décorée de figures d’anges en relief. Zinsstag porte un costume noir et une chemise blanche. En comparaison avec les autres personnes participant au podium, son habit semble un peu trop chic.

Pendant la discussion, il s’efforce de faire des liens avec les références du public. Il raconte notamment l’histoire de la lutte contre la rage dans la population de renards en Valais. Des têtes de poules contenant un vaccin ont été dispersées par hélicoptère pour appâter les renards. C’est ainsi qu’en 1978 le virus a pu être éradiqué de la vallée du Rhône. Sur la base de cette réussite, d’autres vallées alpines ont eu recours à ces «barrières de vaccination» de plusieurs kilomètres de long. À partir de 1985, la rage ne sévissait plus que sur le plateau suisse. Quelques années plus tard, elle y était aussi éradiquée. L’épidémiologiste explique: «Ce fut une victoire dans l’histoire de la lutte contre les maladies zoonotiques».


 
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Audio en français: Jakob Zinsstag raconte avec passion les péripéties de son travail de recherche en Afrique. Le public rassemblé devant le podium est suspendu à ses lèvres.

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À la fin du débat, le chercheur répond aux questions de l’auditoire. Il est d’un abord facile et intéressé par les échanges avec le public. «La pandémie de Covid-19 l’a démontré: nous devons mieux communiquer», dit-il. Un étudiant en médecine, actif en faveur d’«Une seule santé» pendant ses loisirs, raconte qu’il a lu absolument tous les articles de Zinsstag.

Sur le chemin du retour à la voiture, il discute encore brièvement avec la réalisatrice d’un tournage prévu en Éthiopie sur un projet de recherche «Une seule santé». Ensuite il rentre à Bâle avec son épouse Maria, pasteur du culte réformé. Face à un coucher de soleil épique sur le Lac Léman, il parle de randonnées à ski qu’il souhaite encore faire sur le Mont Blanc, de membres de sa famille ou du Swiss TPH opposés à la vaccination, du fait qu’il a un jour incité la Conseillère aux États verte Maja Graf à déposer une motion à Berne demandant d’instaurer une surveillance conjointe de la résistance aux antibiotiques chez les humains et chez les animaux.

Zinsstag pense qu’il est important que les chercheuses et les chercheurs expriment aussi leurs opinions politiques, par exemple en faveur d’une meilleure protection du climat. Il est membre du parti des Vertes suisses et en ce moment il se demande s’il doit signer une pétition du mouvement des activistes du climat «Extinction Rebellion», qu’il approuve en grande partie.

 
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Le lendemain matin, Zinsstag va se lever à 5h15 pour se rendre à vélo de Bruderholz, où il habite, à la gare de Bâle, où il doit retrouver sa plus jeune fille. Ils iront ensuite ensemble en train jusqu’à Berlin. La jeune fille accompagne son père au «World Health Summit», la rencontre des principaux acteurs et actrices de la santé globale et de la coopération au développement: Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS, Antonio Guterres, Président des Nations Unies, Henrietta Fore, Directrice de l’UNICEF, Christian Drosten, virologue à la Charité de Berlin. Pas moins de cinq sessions de ce dimanche-là touchent directement à des questions de «Une seule santé». Zinsstag va prendre la parole dans l’une d’elle, intitulée: «Une seule santé: bonnes pratiques et défis».

Au cours du débat dirigé par un animateur, les cinq expertes et experts discutent de la nécessité de collaborer au-delà des différents secteurs. Le fait que la majorité des pays industrialisés (y compris la Suisse) n’atteignent pas l’objectif, fixé en 1972, leur demandant de verser 0,7 % de leur PIB à l’aide au développement est également abordé. Cela explique en partie pourquoi les projets «Une seule santé» n’aboutissent pas dans l’hémisphère sud. La discussion porte aussi sur l’urgence de proposer de nouvelles formations en santé incluant la vision «Une seule santé», ainsi que sur la difficulté d’obtenir un doctorat dans le monde académique lorsque l’on effectue de la recherche transdisciplinaire.

Zinsstag mentionne son cours «One Health» en ligne (MOOC) auquel plus de 1000 étudiantes et étudiants du monde entier participent chaque année. L’accès est libre et gratuit pour tout le monde. «Atteindre les gens est important; nous devons partager l’approche «Une seule santé» beaucoup plus largement», dit-il.

 
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Wanda Markotter
Directrice du Centre pour les zoonoses virales, Université de Prétoria, Afrique du Sud

John Amuasi
Co-Directeur «The Lancet One Health Commission»

Maria Flachsbarth
Secrétaire d’État, ministère fédéral de la coopération économique et du développement, Allemagne

Marisa Peyre
Épidémiologiste et Vice-Directrice du Cirad, France

Jakob Zinsstag
Professeur d’épidémiologie, Swiss TPH, Suisse

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Au cours de la discussion, Maria Flachsbarth, membre du parti CDU et Secrétaire d’État au ministère fédéral allemand de la coopération économique et du développement, pose la question suivante: «Et qui doit payer tout cela?» Jakob Zinsstag répond: «À moyen terme, l’approche «Une seule santé» diminue les coûts. Nous n’avons pas du tout besoin de la financer.» En guise de preuve, il présente un projet de lutte contre la brucellose réalisé en Mongolie. Il montre que le rapport des coûts entre le projet One Health et un traitement traditionnel était de 1 à 3. «Lorsque les ministères de la santé analysent leurs coûts, tous s’aperçoivent qu’ils sont gagnants!»
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Trois jours après le «World Health Summit» à Berlin, Zinsstag donne une conférence à l’EPF de Zurich. Le titre de sa présentation en allemand peut être traduit comme suit: «Analyse du Covid-19 selon la perspective «Une seule santé» ». Les vingt personnes présentes portent des masques et sont réparties à bonnes distances dans la salle.
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Zinsstag a adapté sa conférence au lieu dans lequel il l’a donne – une haute école polytechnique de réputation internationale. Il accompagne son exposé d’épidémiologie pure et dure – des diapositives remplies de formules mathématiques – de récits de ses aventures en tant que chercheur de terrain, en Afrique et en Asie.

Il évoque avec plus d’insistance que dans ses interventions précédentes les débats sociétaux autour de la pandémie actuelle: «La pandémie de Covid-19 est extrêmement normative. Nous devons mettre en rapport le nombre de morts et les pertes économiques. Quelle importance accordons-nous aux droits personnels par rapport à l’esprit de solidarité?» demande l’épidémiologiste. «Pour moi, en tant que chrétien, me faire vacciner est un acte de solidarité et d’amour du prochain». Il se dit impressionné par la gestion de la pandémie en Suisse, jusqu’à ce jour. «Beaucoup ne sont absolument pas conscients que nous avons eu ici un des confinements les plus faibles du monde.»

 
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Audio en allemand: Zinsstag explique encore une fois les aspects principaux de la vision «Une seule santé» devant son auditoire à l’EPF de Zurich. Il insiste sur la nécessité de penser de manière systémique.

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Pendant la discussion qui suit, une jeune femme demande: «Les êtres humains vivent proches des animaux depuis des siècles. Pourquoi est-ce que maintenant cela devient un problème?» Pour y répondre, Zinsstag explique le phénomène des intrusions (encroachments en anglais)». «Nous nous enfonçons de plus en plus profondément dans les forêts vierges et entrons de plus en plus souvent en contact avec des animaux sauvages et avec les virus qui les colonisent. C’est là que réside le danger.» 

Afin d’illustrer le phénomène, il raconte l’apparition du virus Nipas en 1997 dans le sud-est de la Malaisie, dans un lieu appelé Sungai Nipah. Des entreprises y avaient installé de grands élevages de porcs en plein air. D’abord des porcs sont morts, puis les premiers employés, après avoir contracté des encéphalites. Ensuite des personnes travaillant dans un abattoir à Singapour ont aussi été touchées. La viande était exportée en Chine, car la population malaysienne est avant tout musulmane et ne consomme quasiment pas de porc.

Les recherches en laboratoire en montré que le réservoir naturel du virus était des chauves-souris fructivores. Celles-ci avaient d’abord été chassées de leur habitat naturel à Bornéo à cause du défrichement par le feu pour produire de l’huile de palme. Elles ont alors trouvé refuge dans les arbres fruitiers qui poussaient à côté des élevages de porcs. Leurs excréments ainsi que les fruits à moitiés mangés tombaient dans les enclos. Le virus a d’abord infecté les animaux, puis les humains. L’infection zoonotique était mortelle dans presque la moitié des cas: sur 265 personnes infectées 108 sont décédées. Le virus est par après réapparu à différents endroits d’Asie du Sud-Est et jusqu’en 2018 il a infecté plus de 700 personnes.

L’apparition du virus Nipah est la conséquence directe de la destruction de l’environnement et de l’élevage de masse. «Les monocultures posent problème, car plus une population est homogène, plus les virus se propagent rapidement», dit Zinsstag. «Nous devons absolument faire en sorte que la biodiversité augmente à nouveau et repenser notre agriculture.»

 
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Projet pilote en Éthiopie

Pour une surveillance
globale des zoonoses
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En Éthiopie, 10 % de la population vit de manière nomade ou semi-nomade, spécialement dans la région Somali. Cela représente pas moins de dix millions de personnes. La région reculée de l’extrême est, à la frontière avec la Somalie, fait partie des régions les plus pauvres du pays. Approvisionnement en nourriture incertain, manque d’eau, sécheresses, mauvaises infrastructures sanitaires et érosion des sols conditionnent la vie de la population.

Les échantillons sanguins montrent que la fièvre Q et la fièvre de la vallée du Rift s’y transmettent régulièrement de l’animal à l’homme. En plus, la tuberculose bovine (Mycobacterium bovis), qui se transmet à l’homme notamment par le lait, ainsi que la rage, la brucellose, l’anthrax et la grippe aviaire réapparaissent aussi à tout moment dans la région.

 

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Depuis 2014, l’équipe de Zinsstag et la vétérinaire suisse Rea Tschopp, établie en Éthiopie, entretiennent un partenariat avec l’Université Jigjiga de la région Somali. La «Jigjiga One Heath Initiative» (JOHI) est un projet organisationnel mammouth: afin de mieux surveiller les maladies, l’équipe a d’abord dû convaincre toutes les personnes concernées du bienfondé de l’approche «Une seule santé» et les persuader de s’embarquer dans le projet.

Afin d’y parvenir, un doctorant somalien, avec lequel Zinsstag collabore étroitement, a rendu visite aux groupes de nomades très éloignés les uns des autres. De plus, les chercheuses et les chercheurs ont tissés des liens avec les personnalités politiques sur le plan local, régional et national et organisé des rencontres participatives avec la population. L’objectif final était d’intégrer la surveillance des zoonoses de manière officielle dans les institutions de santé. Un programme d’échange a été mis sur pied, afin d’augmenter les capacités de recherche et le savoir-faire «Une seule santé». Ainsi des doctorantes et doctorants de l’Université de Jigjiga ont pu être formés à Bâle.

Jakob Zinsstag rend régulièrement visite à ses partenaires de la «Jigjiga University One Health Initiative» en Éthiopie, bien que dernièrement cela soit devenu de plus en plus difficile à cause de l’instabilité politique du pays. La galerie de photos ci-dessous montre des images prises lors d’une visite en janvier 2021.

 
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En août 2017, Zinsstag a pour la première fois rendu visite à un sous-projet de la JOHI monté sur le terrain par un étudiant de master: «Integrated Rangeland and Disease Surveillance Response Office». Dans une modeste construction en pisé, un calendrier et des cartes de la région sont suspendus aux murs peints en vert. Au centre de la pièce se trouve une grande table sur laquelle deux PC sont installés. La personne responsable de la surveillance des maladies infectieuses chez les animaux travaille devant l’un des deux postes, et devant l’autre celle qui est responsable de la surveillance des maladies infectieuses chez l’être humain. La proximité physique doit garantir que chacune des deux soit toujours au courant de ce qui se passe au même moment chez sa ou son collègue. 

C’est là que toutes les données concernant la surveillance des zoonoses sont rassemblées, par exemple tous les résultats d’analyse des échantillons de lait. Lorsque tout à coup des phlébovirus sont détectés, les virus responsables de la fièvre de la vallée de Rift, tous les villages environnant sont avertis à temps du danger. Le virus, qui se transmet à l’homme par le lait, le sang ou les moustiques, peut provoquer des encéphalites et des hémorragies internes mortelles dans 50 % des cas.

 
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Une doctorante de Zinsstag expérimente actuellement la possibilité d’utiliser des smartphones pour évaluer la situation épidémiologique. Dans un projet pilote, un téléphone mobile avec GPS est mis à disposition des groupes de nomades. Cela permet aux épidémiologistes de la JOHI de les contacter toutes les deux à quatre semaines, de les localiser et de prendre des nouvelles de la santé de leurs animaux et de leurs familles. Les chercheuses et les chercheurs ont ainsi des données sanitaires en temps réels et peuvent détecter rapidement la survenue d’épidémies. Il s’agit d’une méthode de surveillance des zoonoses bon marché et relativement facile à mettre en place. Elle pourrait faire école au-delà de Jigjiga.

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Audio en anglais: Zinsstag parle de la première réussite d’une surveillance intégrée des zoonoses en Éthiopie par un jeune vétérinaire.

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En janvier 2020, les chercheurs et chercheuses de la JOHI, avec le soutien du Swiss TPH, ont mis en service un laboratoire de diagnostic moléculaire chez l’homme et les animaux. Deux mois plus tard apparaissaient les premiers cas de Covid-19 en Éthiopie. Le gouvernement local Somali a alors demandé à Zinsstag si son laboratoire pouvait analyser des tests de Covid-19. En un tournemain des adaptations ont été faites pour en faire un laboratoire de test Covid-19.

«Au début de la pandémie, notre laboratoire One Health était le seul à des milliers de kilomètres à la ronde qui offrait la possibilité à une population de huit millions de personnes de se faire tester sur la présence du SARS-CoV-2» raconte Zinsstag. Jusqu’en décembre 2020, 40'000 tests Covid-19 ont été analysés dans le laboratoire. Ensuite une machine est tombée en panne et n’a pas être réparée qu’en avril 2021 à cause des troubles politiques dans le pays.

 
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Quo vadis, «Une seule santé»?

Vers une société basée sur les relations humain-animal-environnement
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Jakob Zinsstag a déménagé en décembre 2021 dans le nouveau bâtiment du Swiss-TPH à Allschwil, juste à côté de la frontière avec Bâle-Ville. Il a dû renoncer à son bureau personnel. Les places de travail dans le nouveau bâtiment recouvert de plantes grimpantes sont maintenant mobiles, chaque équipe a son «foyer». Lors de notre dernière rencontre au début janvier, Zinsstag a reconnu: «Franchement dit, je suis encore assez perdu.» Il avait prévu de se rendre en décembre en Éthiopie pour une visite de projet. Il a toutefois dû repousser son voyage à cause de violents affrontements s’apparentant à une guerre civile dans la région du Tigré. Par contre, peu après notre rencontre, il s’envolera pour Nairobi, où il doit participer à un tournage pour le film documentaire de Marie-Monique Robin. Il poursuivra ensuite son voyage vers le Tchad, où son équipe est en train de mettre sur pied un cercle de vaccination autour de la capitale N’Djamena. L’objectif est d’éradiquer la rage en vaccinant tous les chiens à des points de passage à la sortie de la ville.

Cela fait maintenant 24 ans qu’il s’est rendu au Tchad pour la première fois, qu’il s’est souvenu de la façon dont Calvin Schwabe concevait «Une seule médecine» et qu’il a commencé à vacciner les enfants en même temps que les chèvres. À partir de ce moment-là, sa vie tourne autour de la mise en pratique de «Une seule santé». L’épidémiologiste demande sans relâche de plus grands investissements dans la prévention primaire, plus de collaboration entre la médecine humaine et la médecine vétérinaire, une meilleure surveillance proactive, chez les animaux de rentes et chez les bêtes sauvages, des agents pathogènes qui pourraient potentiellement être transmis à l’être humain.

 
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Zinsstag recourt aussi souvent à une argumentation économique. Il montre volontiers un graphique avec des courbes qui s’alignent comme des bosses de chameaux le long de l’axe des x. Son message principal est le suivant: plus tôt on découvre un virus et la possibilité qu’il produise des zoonoses, plus grande est la chance de limiter la propagation de la maladie avant qu’elle ne se transforme en pandémie – et plus le cumul des coûts sera faible en fin de compte.

À partir du moment où une pandémie se déclare, cela coûte cher. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit que le cumul global des pertes liées à la pandémie de Covid-19 s’élèvera à 22 billions de dollars américains d’ici à 2025. C’est l’effondrement le plus fort observé depuis 70 ans. Et comme toujours, ce sont les plus pauvres qui sont les plus touchés. La Banque mondiale a averti que le nombre de personnes vivant dans une extrême pauvreté risquait de grimper à 740 millions d’ici à la fin de 2021. C’est la première augmentation significative observée depuis 20 ans. De nombreux progrès atteints grâce aux objectifs de développement durable fixés par l’ONU pour diminuer la pauvreté risquent d’être anéantis.

Le Covid-19 nous a aussi mis en évidence une autre inégalité sur le plan mondial: selon l’OMS, 80 % des vaccins ont été distribués dans les pays du G20, c’est-à-dire les plus riches et les pays émergents. Les états disposant de faibles revenus, surtout en Afrique, avaient reçu 0,6 % du nombre total de vaccins à la fin 2021. La crise sanitaire et économique est aussi une crise humanitaire.

 
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La Banque mondiale a recommandé à ses membres pour la première fois en 2012 d’investir dans le contrôle systématique des zoonoses – en premier lieu pour des raisons économiques. Son appel n’a toutefois pas été très entendu. Actuellement, quatre milliards de dollars américains sont consacrés chaque année à la prévention des zoonoses dans le monde. En guise de comparaison, le budget américain pour la défense nationale s’élevait à 714 milliards de dollars, c’est à dire qu’il était 180 fois plus élevé. Seuls deux milliards de dollars sont consacrés chaque année à la protection des forêts et 260 millions à la lutte contre le commerce illégal d’animaux sauvages. Ces deux mesures constitueraient pourtant des moyens efficaces de lutter contre les zoonoses, et par là-même de réduire le risque d’une future pandémie.

Dans une contribution à paraître dans la revue médicale «The Lancet», il démontre avec 21 collègues qu’un système de prévention «Une seule santé» fonctionnant à l’échelle mondiale est dix mille fois moins cher que les dépenses actuelles causées par la pandémie de Covid-19. Les chercheuses et les chercheurs plaident en faveur d’un changement de paradigme. L’accent ne doit plus être mis sur la détection et le traitement des êtres humains, mais sur la prévention et le contrôle chez les animaux et tout le long du «système homme-environnement». Selon les expertes et les experts, il existe aujourd’hui des preuves évidentes que cela permettrait de sauver des vies humaines, mais aussi animales, et qui plus est à moindres coûts. Pourtant les pays qui mettent en place une stratégie nationale «Une seule santé» de manière conséquente, avec le budget nécessaire, restent toujours des exceptions.

Une possibilité d’amorcer la prévention des pandémies est connue depuis longtemps: dans une analyse parue en 2020 dans la revue «Science», les scientifiques ont calculé les coûts d’une lutte contre les zoonoses par des programmes de protection des forêts, des initiatives «Une seule santé» et une interdiction du commerce des animaux sauvages dans les zones à risques répertoriées. Résultats du calcul: 22 à 31 milliards de dollars américains par année. Si l’on tient compte des effets secondaires positifs générés par ces mesures, comme le stockage additionnel de dioxyde de carbone par les forêts en bonne santé, le montant ne s’élève «plus» qu’à 18 à 27 milliards. Les autrices et les auteurs lancent l’appel suivant: au moins une partie des milliards investis dans les programmes de stimulation économique pour contrer la crise actuelle doivent être consacrés à la prévention des pandémies.

 
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En réalité, de grandes initiatives pour le suivi des zoonoses et la prévention des pandémies ont déjà existé auparavant. Elles ont pour nom: «Predict», «Stop Spillover» et «Global Virome Project». Des centaines de millions de dollars américains y ont été investis. Dans le cadre du projet «Predict», lancé il y a plus de 10 ans par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), la transmission de virus à des personnes travaillant en contact étroit avec des animaux sauvages a été surveillée en permanence dans 31 pays. De plus, des programmes de formation ont été mis en place pour avertir des dangers de zoonoses qui prévalent dans les localités proches de forêts, où vivent des animaux sauvages fonctionnant comme des réservoirs de pathogènes. «Pourtant, toutes ces initiatives n’ont pas permis d’éviter Ébola, ni le Covid-19», dit Zinsstag.

Nous examinons les initiatives mondiales les plus importantes – et leurs critiques – dans le volet d’approfondissement ci-dessous.

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Pas d’intérêt pour les campagnes globales de vaccination

Zinsstag est convaincu que la plupart des gens n’ont pas encore compris les avantages que représenterait une approche de la médicine incluant les êtres humains, les animaux et l’environnement. Malgré la réussite très prometteuse des projets concrets de «Une seule santé», vacciner et soigner restent toujours au centre des préoccupations, de manière unilatérale. Il reçoit aussi des critiques de la part de fondations et d’organisations des Nations-Unies sur les programmes de vaccination. Jusqu’à ce jour, elles continuent de faire la sourde oreille à sa proposition de vacciner non seulement les enfants, mais aussi les animaux, contre les infections zoonotiques. Cela ne fait pas parties de la stratégie établie, lui ont répondu les personnes responsables.

«Lorsque l’on entend de telles déclarations, cela permet de réaliser où se situent vraiment les obstacles au changement de paradigme vers «Une seule santé.» C’est d’autant plus incompréhensible qu’il existe maintenant de nombreux exemples qui montrent que «Une seule santé» fonctionne dans la pratique – et qu’en plus cela permet de diminuer les coûts. Nous avons rassemblé quelques-uns de ces projets sur cette carte.

 
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Jigjiga One Health Initiative, Éthiopie
La «Jigjiga One Health Initiative» dans la région Somali en Éthiopie montre comment l’approche «Une seule santé» peut être rendue opérationnelle sur le plan local. Le Swiss TPH a débuté le projet en 2014 avec la Jigjiga University (JJU) et le Armauer Hansen Research Institute (AHRI), commun à la Norvège et à la Suède. La Direction du développement et de la coopération (DDC) assure son financement pendant 12 ans. L’objectif est de renforcer la recherche et l’enseignement en santé publique et d’augmenter les connaissances et les compétences. De plus, un système doit être mis en place pour surveiller les zoonoses chez les nomades de manière globale.

One Health Office, Kenya
Le Kenya bénéficie depuis 2011 d’un Bureau national «Une seule santé» dans lequel médecins et vétérinaires collaborent étroitement pour prévenir et identifier rapidement les zoonoses. Les maladies infectieuses spécialement surveillées sont la rage, les trypanosomiases, la dengue et les salmonelloses.

Canadian Science Centre for Human and Animal Health
Le «Canadian Science Centre for Human and Animal Health» à Winnipeg regroupe sous un même toit des laboratoires qui étudient les maladies hautement infectieuses (niveau de biosécurité 4) chez l’animal et chez l’être humain – ce qui permet d’économiser 26 % des frais de fonctionnement, selon les estimations de la banque mondiale.

Observatoire des zoonoses d’Émilie-Romagne
Un système de surveillance intégrée du virus de la fièvre du Nil occidental est en service en Émilie-Romagne (Italie) depuis 2013. Le virus, qui se transmet par les moustiques, s’est largement propagé ces dernières années, notamment à cause du réchauffement climatique. Des tests sont régulièrement réalisés sur les moustiques, les oiseaux sauvages, les chevaux et les êtres humains, afin de stopper rapidemen la multiplication des moustiques. Selon les chercheuses et les chercheurs qui ont développé le système, cette intervention intégrée a déjà permis d’économiser plus d’un million d’euros en six ans, en comparaison avec une surveillance séparée chez l’animal et chez l’être humain.

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La Suisse ne fait pas partie des endroits qui possèdent une biodiversité particulièrement  remarquable, ni de ceux qui sont réputés pour leurs marchés d’animaux sauvages vivants. Pourtant, chez nous aussi, la menace d’une augmentation des zoonoses se profile à l’horizon, par exemple avec la dissémination du moustique tigre asiatique, qui peut véhiculer les virus de la dengue, du chikungunya, de la fièvre du Nil occidental et le virus Zika. «En Émilie-Romagne, au Nord de l’Italie, le virus du Nil occidental est déjà endémique, dit Zinsstag. Le Swiss TPH surveille sa progression avec attention et nous nous attendons chaque jour à ce qu’un cas se déclare en Suisse». La maladie se déroule la plupart du temps sans symptôme chez l’être humain, mais elle peut quand même parfois provoquer de la fièvre, et dans de rares cas une méningite. Il n’existe pas de vaccin contre cette maladie.

 

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Audio en anglais: Jakob Zinsstag pense qu’en Suisse aussi il faudrait réunir la surveillance des zoonoses chez l’être humain et chez l’animal. Actuellement, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) et l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) effectuent encore leurs contrôles séparément.

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Recherche appliquée pour lutter contre les virus de l’anthropocène 

Mettre en pratique l’approche «Une seule santé» de manière conséquente, telle que Jakob Zinsstag et d’autres pionniers et pionnières la comprennent, va bien au-delà de l’optimisation des systèmes de santé. Cela exige également une toute nouvelle façon d’appréhender les sciences. Davantage de moyens doivent être consacrés à la recherche transdisciplinaire qui, en plus de générer de nouvelles connaissances, contribue à changer les systèmes êtres humains – animaux – environnement. Cela va à l’encontre de la spécialisation croissante observée dans la recherche en santé, de l’accent mis de manière unilatérale sur le séquençage des agents pathogènes et sur le développement de médicaments et de vaccins.

En tant que co-Directeur, Jakob Zinsstag a écrit en juillet 2020 un rapport pour le «Global Science Forum» de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le document démontre à partir d’exemples concrets comment la recherche transdisciplinaire contribue à la découverte de solutions pour répondre aux grands défis de notre époque, et comment les gouvernements et les universités peuvent favoriser ce type de travaux. Le plus important est de reconnaître ceci: construire des ponts entre les différentes disciplines scientifiques et réussir à faire en sorte qu’elles puissent parler la même langue doit être reconnu comme un domaine d’excellence scientifique à part entière.

De nouvelles filières d’étude permettant un cursus transdisciplinaire doivent être créées, afin que les médecins et les vétérinaires apprennent à travailler ensemble et avec les chercheuses et les chercheurs d’autres disciplines. «Le rôle de la science de l’époque anthropocène doit à nouveau être défini, dit Zinsstag. Plus que jamais la recherche doit contribuer à trouver des solutions concrètes aux problèmes urgents de notre temps.»

 
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À propos d’anthropocène: «Une seule santé» remet aussi en question notre vision habituelle du monde, centrée sur l’être humain. Elle nous force à reconnaître que les écosystèmes qui nous entourent, ainsi que le bien-être des animaux qui y vivent constituent les fondements de toute vie sur terre – et aussi de celle de l’être humain. De ce point de vue, chaque arbre sauvé, chaque renoncement à la plantation de palmiers à huile dans les régions à forte biodiversité, chaque négoce d’animaux sauvages déjoué et chaque marché d’animaux sauvages pour la consommation de luxe fermé représentent aussi un pas en direction de «Une seule santé». Et ces pas contribuent à éviter la prochaine pandémie.

Pourtant, les tendances actuelles vont plutôt dans une autre direction. En effet, pendant les premières années de la pandémie, la défrichage de la forêt primaire dans la ceinture tropicale a augmenté de 12%. Au Brésil, la déforestation dans le but d’augmenter la surface agricole a presque atteint le même niveau record qu’en 2006.

La population mondiale, la consommation de viande, la mobilité et le réchauffement global continuent d’augmenter. En 2030, 60% de la population mondiale vivra dans les villes. Celles-ci s’étendent de plus en plus sur les fragiles écosystèmes environnants, ce qui peut conduire à de dangereuses zones de contact favorisant les zoonoses. Il est estimé que 1,67 millions de virus inconnus sont présents dans les réservoirs animaliers de tels écosystèmes – et presque la moitié d’entre eux peuvent potentiellement conduire à des zoonoses; ce qui signifie qu’ils pourraient à tout moment passer à l’espèce humaine.

Comment est-ce que Jakob Zinsstag vit avec cette perspective déprimante? «Je fais comme Luther, dit-il. Même si je savais que demain c’est la fin du monde, je planterais encore un arbre aujourd’hui.» Le pionnier va continuer de défendre et de propager l’approche «Une seule santé». Avec la persistance des effets de la crise de Covid-19, les chances sont assez bonnes que sa prédication finisse par être entendue au-delà du cercle académique.

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Mentions légales

Recherche / Projet / Texte
Samuel Schlaefli
Journaliste & Rédacteur
Werkraum Warteck
Burgweg 15
4058 Basel

text@samuelschlaefli.ch 
www.samuelschlaefli.ch


Illustration / Conception / Production
Seraina Hügli & Lucas Pfister
Capisci – Visuelle Wissensvermittlung
Aargauerstrasse 70 / 24
8048 Zürich

ciao@capisci.ch 
www.capisci.ch


Traduction française
Martine Verdon
Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM)


Ce reportage web a été publié en février 2022 en collaboration avec «NZZ am Sonntag» et le «NZZ Magazin». Il a été soutenu financièrement par le «Schweizer Klub für Wissenschaftsjournalismus» et la «Gebert Rüf Stiftung». Nous les en remercions chaleureusement!

Les textes, les illustrations, les photographies et autres composantes de ce reportage ne peuvent être réutilisés qu’avec l’accord de leurs autrices et de leurs auteurs. Ceux-ci déclinent toute responsabilité quant au contenu des sites internet externes cités sous forme de liens dans le texte. Tous les droits d’auteur sont mentionnés sous «Sources». L’entreprise capisci.ch détient tous les droits pour les illustrations.





   
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Sources et droits d’auteur pour les photographies


Sources importantes (état en février 2022)


A world at risk. Global Prepardness Monitoring Board 2019 annual report, September 2019.

Has COVID taught us anything about pandemic preparedness? Nature news feature, 13. August 2021.

Benefits of Animal Interventions for Zoonosis Control. Emerging Infectious Diseases, April 2007.

Human impact on wildlife to blame for spread of viruses, says study. The Guardian, 8. April 2020.

Global assessment report on biodiversity and ecosystem services. Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES), Mai 2019.

Outbreaks of vector-borne and zoonotic diseases are associated with changes in forest cover and oil palm expansion at global scale. Frontiers in Veterinary Science, März 2021.

Preventing the next pandemic: Zoonotic diseases and how to break the chain of transmission. United Nations Environment Programme and International Livestock Research Institute, Juli 2020.

Report of the scientific task force on preventing pandemics. Harvard Global Health Institute, August 2020.

Towards integrated surveillance-response systems for the prevention of future pandemics. Infectios Diseases of Poverty, Oktober 2020.

Does more environmental damage: eating meat from the wild or a factory farm? The Guardian, 26. Mai 2020.

Report on biodiversity and pandemics of the Intergovernmental Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES), Oktober 2020.

Zoonotic host diversity increases in human-dominated ecosystems. Nature, August 2020. 




 
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Droits d’auteur (photographies et vidéos)   

Galeries photo:
Droits d’auteur pour l’ensemble des photographies et des vidéos (sauf si mentionné autrement): Jakob Zinsstag / Swiss TPH

Vidéo sur le Guatemala dans le chapitre «D’égal à égal»:
Nido Films

Approfondir (dans l’ordre d’apparition de chaque titre):

Approfondir Les zoonoses:  
1. Espen Rasmussen / VII / Redux / laif (Young men working as grave diggers in a large cemetery on the outskirts of Freetown help health workers in full protective clothing bury a body. Ebola Outbreak, Sierra Leone, 2015)  

2. UPI/laif (Transmission electron microscopic image of an isolate from the first U.S. case of COVID-19
   
3. The NewYorkTimes/Redux/laif (Mission Rabies staff gives anti rabies injection to a dog owned by local residence in Goa, India.)

4. Manu Quintero/Redux/laif (The Aedes Aegypti mosquito is the vector of Zika virus as well as Dengue and Chikungunya.)  

5. The NewYorkTimes/Redux/laif (A team of researchers catch bats as they fly out of the Khao Chong Phran Cave at dusk in Ratchaburi, Thailand, December 2020.)  

6. Frommann/laif (boîtes de Petri avec des cultures de bactéries)

7. Daniel van Moll/laif (A local burial team in Freetown, Sierra Leone retreiving corpses of Ebola victims from a township, 2014.)
   

Approfondir Commerce & marchés d’animaux sauvages:  
1.Gilles Sabrie/NYT/Redux/laif (A wet market in Wuhan, China, January 11, 2021.)

2. ChinaFotoPress/laif (Vendors prepare to butcher poultry at Zhonghuan poultry wholesale market after the market was closed after bird flue cases on April 7, 2013 in Wuhan, Hubei Province of China.)

3. Michael Wolf Estate/laif (A man coming home with two turtles from the wildlife market in guangzhou, china: the asiatic softshell turtle, and a big headed turtle.)  

4. Roger Lemoyne/Redux/laif (A woman eats while tending a bush-meat street stall in Saigon, Vietnam in 1990’s.)  

5. Sinopix (A police officer inspects conditions at the Xinyang wild animal market in Guangzhou.)  

6. Sinopix/laif (Guangzhou animal market sells all kinds of animals in terrible conditions and slaughters many at the market.)  

7. Hitoshi Katanoda/Polaris/laif (Beijing, China: Workers wearing facial mask in the food market in the morning.)

8. Michael Wolf Estate/laif (Giant asian pond turtles for sale at market in Guangzhou, China.)

9. Gilles Sabrie/NYT/Redux/laif (Contact tracers in hazmat suits investigate a market where a COVID-positive traveler had visited merchants days earlier in Wuhan, China, Jan. 11, 2021.)

10. The NewYorkTimes/Redux/laif (Live young crocodiles, which are protected by law, awaited slaughter at the Friday bushmeat market in Mbandaka, DRC, in May 2016.)

11. Mark Leong/Redux/laif (A collection of medicines claiming to contain wild animal ingredients – mostly tiger but some antelope, pangolin and others.)

12. Michael Wolf Estate/laif (Chinese medicine. Snake wine for sale at a chinese market in Guangzhou, China)

13. U Aung Xinhua / eyevine / eyevine / laif (Confiscated elephant tusks are burnt during the destruction ceremony of confiscated elephant ivory and wildlife parts in Nay Pyi Taw, Myanmar, on Oct. 4, 2018.)

14. Mark Leong/Redux/laif (Evidence room at the Ministry of Forestry's Police Rapid Reaction Force headquarters in Medan.)

15. Stefano De Luigi / VII / Redux / laif (Scales of giant pangolin seized by french customs in Charles de Gaulle airport.)

16. Francesco Pistilli/laif (Most layer egg-hens live their lives in wire battery cages, Italy, 2015.)

17. Francesco Pistilli/laif (After weaning the swines stay in the same crowded cage for 4 to 6 months, then they're divided in 2 groups: fattening or reproduction. Italy, 2012)

18. John Stanmeyer / VII / Redux / laif (Dead chickens at the UD. Putra Bintang chicken farm as a consequence of Bird Flu. Bali, 2004.)

19. Hollandse Hoogte/laif (Minkfarm Rasmussen B.V. is one of the companies that protested against closure. Niederlande, 2012.)

20. Hollandse Hoogte/laif (Minkfarm Rasmussen B.V. is one of the companies that protested against closure. Niederlande, 2012.)    


Approfondir L’environnement et les zoonoses:   
1. Maria Magdalena Arrellaga/NYT/Redux/laif (An aerial photo of a fire burning in the Brazilian state of Mato Grosso, Aug. 29, 2020.)

2. Patrick Aventurier/hemis/laif (Hmong cultures in the Amazon forest. French Guiana, 2019)

3. Victor Moriyama/NYT/Redux/laif (Land being burned for cattle grazing in the Amazon rainforest near Porto Velho, Brazil, Sept. 9, 2019.)

4. Kadir van Lohuizen / laif (A giant palm oil plantation in Mantangai. Kalimantan, Indonesia 2016.)

5. The NewYorkTimes/Redux/laif (An area of the Amazon rainforest in the Jamanxim National Forest which has been illegally slashed and burned stands next to a section of virgin forest in Novo Progresso, state of Para. Brazil, 2014.)

6. Aurelien Brusini/hemis/laif (Unexplored area on the border between the heart of the Amazonian Park of French Guiana and the Trinity National Nature Reserve, 2019.)

7. Lindsay Mackenzie/Redux/laif (A Pennant’s Red Colobus sits on a tree branch in the Gran Caldera de Luba Reserve. Equatorial Guinea, 2013.)

8. BOURSEILLER Philippe /hemis/laif (Malaysia, Borneo, Danum Valley Conservation Area.)

9. Joao Luiz Bulcao/Polaris/laif (The Amazon rainforest is becoming increasingly vulnerable to forest fires due to a combination of droughts, climate change and human activities. Brazil, 1998.)

10. Joshua Stevens/NYT/Redux/laif (An image provided by NASA's Earth Observatory shows a map of fires burning in South America as seen in a mid-August 2019 satellite image.)

11. The NewYorkTimes/Redux/laif (Munduruku men and boys survey the damage to their tribe’s protected land caused by illegal gold miners in Posto de Vigilancia. Brazil, 2018.)

12. Polaris/laif (The mosquito-borne Zika virus, which is suspected of causing brain damage to babies in Brazil, is expected to spread to all countries in the Americas except for Canada and Chile. USA, 2016.)

13. Damon Winter/NYT/Redux/laif (A piece of heavy farm equipment works a sea of red dirt, where native forest once stood, as the field is prepared for soy bean cultivation, in Mato Grosso. Brazil, 2009.)    


Approfondir Les initiatives mondiales:     
Toutes les photographies (sauf 2, 3, 5) sont tirées de la série «The Virus Hunters» de Simon Townsley. Nous remercions le photographe pour sa contribution!    

Bild 2: Mehmet Demirci/Redux/laif (The first COVID-19 vaccine doses arrived in bulk to North Carolina Monday morning December 18, 2020.)

Bild 3: Alecsandra Dragoi / Guardian / eyevine / laif (AstraZeneca unveils The Discovery Centre (DISC) in Cambridge. 23.11.2021)

Bild 5: Institut de virologie et d’immunologie (IVI)   


Approfondir One Health Suisse:  
1. Frieder Blickle/laif (Milchkühe auf dem Rückweg von der Weide zum Bauernhof. Schweiz, 2009.)

2. Institute of Virology and Immunology IVI/NZZ

3. Ruben Sprich Xinhua / eyevine / eyevine / laif (Swiss Secretary of State Roberto Balzaretti, Swiss Foreign Minister Ignazio Cassis, Swiss President Alain Berset and Finance Minister Ueli Maurer attend a news conference in Bern. Switzerland, Dec. 7, 2018.)

4. Institut de virologie et d’immunologie (IVI) 




 
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Jakob Zinsstag lors d’une séance de recherche à l’Université Jigjiga en Éthiopie dans le cadre de la «Jigjiga One Health Initiative» (JOHI).

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L’épidémiologiste en conversation avec Dr Bashir, Président de l’Université Jigjiga de la région Somali en Éthiopie.

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L’équipe de la «Jijigga One Health Initiative» (JOHI) avec une collaboratrice de la Direction du développement et de la coopération (DDC) à l’aéroport de Gode, région Somali, Éthiopie.




 
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En discussion avec un collaborateur du service des ultrasons de l’hôpital Dlanzadgad, dans la province de Gobi, Mongolie.




 
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Prise de sang sur des moutons pour identifier la présence de brucellose, Kirghizistan.

 
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Recherche globale sur le terrain: le vétérinaire togolais Bassirou Bonfoh et Jakob Zinsstag rendent visite ensemble à des paysannes kirghizes accompagnées de leurs enfants.
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Jakob Zinsstag en voyage de recherche dans la province mongole de Gobi, où les chameaux sont souvent porteurs du ténia du chien.
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Vidéo Médecine Maya

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Cet homme a ouvert une pharmacie de médicaments pour animaux, d’habitude très difficiles à trouver dans la région Somali, grâce à un coup de pouce financier de la JOHI.
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Un antibiotique standard pour le traitement d’infections bactériennes chez les bovins et les caprins.
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Un groupe de Somaliens se repose à l’ombre d’un arbre. À l’arrière-plan on peut voir des panneaux avec des sourates du Coran.
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Meule en pierre et smartphone: les technologies ancestrales et ultramodernes co-existent souvent là où les chercheuses et les chercheurs du Swiss TPH interviennent.
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Jakob Zinsstag et ses partenaires de la «JOHI». À droite est assis le Directeur de l’Hôpital universitaire, à gauche le Président de l’Université Jigjiga.
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Les chercheurs discutent avec un groupe de femmes. La «JOHI» doit aussi contribuer à améliorer les soins de santé chez les femmes et à apporter un soutien professionnel lors des naissances.
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Une femme somalienne raconte les expériences qu’elle a vécues en rapport avec la «JOHI».

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Sharmarke Dugsyie effectue son doctorat en sociologie dans le cadre de la «JOHI».

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«Wuhan Huanan Seafood Wholesale Market» – ce nom a fait les grands titres des journaux partout dans le monde au début de l’année 2020. Il est très probable que c’est là que s’est trouvé l’épicentre de la pandémie de Covid-19, dans ce «wet market», un marché où sont vendus des animaux vivants. En décembre 2019 déjà, plusieurs personnes ayant fait des achats dans ce marché ont été hospitalisées à cause d’une infection pulmonaire inconnue. Selon l’OMS, 55 % des premiers patientes et patients atteints du Covid-19 avaient été en contact avec le marché de Huanan ou un autre marché de Wuhan.

La plupart des épidémiologistes sont entretemps arrivés à la conclusion que le SARS-CoV-2 est d’origine zoonotique. La version alternative de la fuite de laboratoire, selon laquelle le virus se serait «échappé» d’un laboratoire de Wuhan, n’a pour le moment pas pu être totalement exclue. Les expertes et les experts jugent toutefois qu’elle est peu probable. Mais alors pourquoi est-ce que le «spill-over» décisif, c’est-à-dire le passage du virus de l’animal à l’homme, a justement eu lieu ici, sur un marché en plein centre de la ville de Wuhan, province du Hubei, qui compte neuf millions d’habitants et qui est située à 800 kilomètres à l’ouest de Shangai?

Une étude parue dans la revue scientifique «Nature» en juillet 2021 donne un bon aperçu des conditions sur place. Elle a été réalisée par un groupe dirigé par le zoologue d’Oxford Chris Newman, avec la participation de chercheuses et de chercheurs de Chine et de Wuhan. Un des chercheurs, Xiao Xiao, qui travaille au «Lab Animal Research Center» de Wuhan, s’est rendu entre mai 2017 et novembre 2019 tous les mois dans 17 «wet market» de Wuhan où se vendent des animaux sauvages, dont le célèbre «Wuhan Huanan Seafood Wholesale Market». Il interrogeait les vendeuses et les vendeurs et notait quels animaux étaient vendus, combien de chaque espèce, à quel prix et s’ils provenaient d’élevages ou avaient été capturés dans la nature.

Son objectif était en réalité de rassembler des données sur la propagation du virus du SFTS (syndrome de fièvre sévère avec thrombocytopénie), une maladie infectieuse d’origine animale, endémique depuis 2011 dans certaines parties de la Chine, de la Corée, du Vietnam et du Japon. Elle est létale dans jusqu’à 30 % des cas. Les données qu’il a récoltées permettent aujourd’hui de faire un peu la lumière sur l’origine de la pandémie. Par exemple, il semble peu probable que le SARS-CoV-2 ait été transmis à l’homme par un pangolin ou par une chauve-souris, comme cela était généralement admis au début de la pandémie. En effet, aucun des deux animaux n’était vendu sur ce marché, selon les données de l’étude.

 
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Entre mai 2017 et novembre 2019, au moins 47'381 animaux sauvages ont été vendus sur 17 marchés de Wuhan. Il s’agissait de mammifères, d’oiseaux et de reptiles de 38 espèces différentes, 31 d’entre elles protégées par des conventions internationales.

Nature, juin 2021
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On peut se représenter la section animaux sauvages d’un marché de Wuhan avant décembre 2019 comme un petit zoo – mais sans les précautions d’hygiènes normalement respectées dans un zoo, et sans le minimum d’espace et de mesures nécessaires à la bonne santé des animaux. Les chiens viverrins, les visons de Sibérie, les porcs-épics, les sangliers, les cobras et même les crocodiles du Siam y végétaient dans des conditions catastrophiques. Selon le rapport publié dans «Nature», l’état des animaux était souvent déplorable, à cause des conditions de transport et du manque de place. La plupart du temps, les animaux étaient vendus vivants dans le but d’être consommés; au besoin, ils étaient parfois abattus sur place.

Cela ne signifie pas que le commerce d’animaux sauvages n’était pas réglementé en Chine avant le déclenchement de la pandémie. Les vendeuses et les vendeurs avaient l’obligation de présenter un certificat attestant de l’origine et du respect de la quarantaine pour tous les animaux en vente. Pourtant, dans tous les marchés visités par le chercheur chinois, le certificat n’était pas exigé. Ce qui signifie que tout le commerce d’animaux sauvages observé alors à Wuhan était illégal. Pour six espèces de mammifères, les chercheurs ont décelé sur presque un tiers des animaux des traces de balles ou de blessures causées par des pièges, ce qui signifie qu’ils provenaient de braconnage.
Des chercheuses et des chercheurs américains et australiens ont publié en 2020 les résultats d’une étude approfondie sur 142 zoonoses. Ils sont arrivés à la conclusion que le risque de transmission à l’homme était le plus grand avec les espèces en danger ou en voie de disparition.

Ni l’absence de papiers de légitimation, ni les méthodes de capture illégales ne semblaient inquiéter les employées et les employés du «Wuhan Forestry Bureau» chargés de surveiller le commerce des animaux sauvages lors de leurs passages sur les marchés.


 
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Conditions idéales pour les «spillovers»

Des conditions telles que celles qui prévalaient sur les marchés de Wuhan correspondent à des scénarios catastrophes pour les virologues, les épidémiologistes et les responsables de la santé publique: des dizaines d’espèces différentes d’animaux sauvages rassemblées sous un même toit, détenus dans un espace extrêmement réduit, apeurés, stressés, sans contrôle efficace de l’hygiène et sans mesures de protection de la santé et des espèces. Ce sont des conditions idéales pour que les pathogènes se multiplient, se disséminent et passent les barrières des espèces.

À cela s’ajoute le fait que les marchandes, les marchands, les clientes et les clients étaient continuellement exposés au risque d’entrer en contact avec les fluides corporels (sang, matières fécales, salive) d’animaux infectés. C’est un véritable cataclysme qui se préparait au milieu de la mégapole de Wuhan, dans les années 2017–2019.

Jusqu’à aujourd’hui, il n’a pas été possible d’établir clairement de quel animal sauvage le virus est parti, ni comment il a été transmis aux êtres humains. Les possibilités sont nombreuses: parmi les 38 espèces animales recensées à Wuhan, 33 étaient porteuses d’agents pathogènes zoonotiques – dans les populations sauvages, sur les marchés ou dans les élevages pour la vente. Le bacille de la rage, le virus du SFTS, le H5N1 et toute une série de bactéries nocives pour l’être humain y ont été détectés. La civette masquée, un petit mammifère de la famille des Viverridés, qui était en vente sur le marché de Wuhan, est reconnue comme porteuse du SARS-CoV-1. La propagation du SARS en 2003, qui a causé la mort de 800 personnes, lui est imputée.

 
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«Il serait sensé d’interdire les marchés d’animaux sauvages, comme la Chine et d’autres pays l’ont fait. Nous devons toutefois aussi penser qu’il y a des communautés qui dépendent de ce commerce pour subvenir aux besoins de base de millions de personnes, surtout dans les zones rurales d’Afrique à bas revenus.»

Elizabeth Maruma Mrema, Secrétaire générale de la «Convention on Biological Diversity» de l’ONU


 
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Interdire – mais avec quelles conséquences?

Le 26 janvier 2020, quelques semaines après la fermeture du «Wuhan Huanan Seafood Wholesale Market», le gouvernement chinois a interdit la vente d’animaux sauvages et de tous produits dérivés sur les marchés, dans les restaurants et sur internet. Ce qui lui a valu de nombreuses louanges. Des appels à la fermeture des «wet markets» dans le monde entier se sont alors fait entendre. Le 6 avril, plus de 240 groupements de protection de la nature et des espèces ont envoyé une lettre ouverte à l’OMS lui demandant d’intervenir en faveur d’une interdiction immédiate des marchés d’animaux sauvages et de l’utilisation de produits issus d’animaux sauvages dans la médecine traditionnelle.

Pour des millions d’êtres humains, la consommation de viande d’animaux sauvages est aujourd’hui encore profondément ancrée dans la culture – c’est une pratique normale, traditionnelle et considérée comme saine et enviable, en comparaison justement de la consommation de viande provenant d’élevages intensifs. Les milliers de petits marchés, sur lesquels de la viande fraîche d’animaux d’élevage ou sauvages est vendue, sont très appréciés surtout en Asie et en Afrique.

La plupart des «wet markets» ne vendent que de la viande fraîche d’animaux d’élevage et du poisson. Seule une minorité propose des animaux vivants, comme c’était le cas à Wuhan. À la campagne, la chasse contribue de façon importante à l’approvisionnement alimentaire, surtout dans les groupes ethniques indigènes. C’est pourquoi les opposantes et opposants à une interdiction générale du commerce et de la consommation d’animaux sauvages ont pour argument que cela priverait des millions de personnes d’une importante source de protéines, et que ce seraient avant tout les communautés pauvres et vulnérables qui seraient punies.

En Afrique centrale, par exemple, la population couvre jusqu’à 50 % de ses besoins en protéines avec de la «bush meat», c’est-à-dire de la viande prélevée dans la forêt. Si l’on voulait remplacer cette source de protéines par de l’élevage, il faudrait défricher d’énormes surfaces de forêt tropicale, explique Robert Nasi du «Center for International Forestry Research».

De plus, il n’existe pas de lien empirique direct entre une telle interdiction et une réduction du risque de pandémie, a expliqué Stephanie Brittain au journal anglais «Guardian». Selon la chercheuse en préservation de la nature de l’Université d’Oxford, une interdiction de la consommation de viande provenant d’animaux sauvages aurait avant tout pour effet de faire perdre le contrôle sur ce commerce et qu’il se poursuive dans la clandestinité et sur des marchés illégaux – avec pour conséquence même une augmentation du risque de zoonoses.


 
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Commerce suspect à hauteur de milliards

Autrefois nécessité, la consommation et le commerce d’animaux sauvages sont en passe de devenir un luxe de riches, selon l’évolution observées ces dernières décennies. Un kilogramme de viande de marmotte coûtait en moyenne 25 dollars américains/kg sur le marché de Wuhan, soit presque cinq fois plus que de la viande de porc. Le serpent le plus cher, une grande vipère, était même vendu pour 70 dollars américains/kg. Les études montrent qu’en Chine la probabilité de manger de la viande d’animal sauvage est la plus haute chez les hommes vivant en ville et bénéficiant de revenus élevés et d’une bonne formation. Le commerce florissant d’animaux sauvages s’explique, du moins en partie, par le développement économique fulgurant observé dans ce pays.

Les élevages professionnels d’animaux sauvages se sont très fortement développés ces dernières années, surtout en Chine. En 2016, les élevages «non-traditionnels» ont générés 77 milliards de de dollars américains et fournit un emploi à 14 millions de personnes. Le magazine chinois en ligne «Sixth Tone» a raconté récemment l’histoire du paysan Wei Ningxiang, qui a élevé dans sa ferme du Guangxi quelques 7000 cobras et autres serpents exotiques pour les vendre à des restaurants. Avant la régulation stricte entrée en vigueur en 2020, en tout 20 millions de serpents ont été élevés pour la vente dans cette région autonome du sud de la Chine.

 
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Le commerce illégal d’animaux sauvages génère un chiffre d’affaire annuel de 7 à 23 milliards de dollars américains.

Estimation de la «Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services» (IPBES)
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Trophées et médecine traditionnelle

Le commerce d’animaux sauvages génère mondialement des milliards de bénéfices. Les personnes qui s’adonnent à la chasse et au commerce de manière légale et illégale répondent à la demande des classes moyennes en plein essor dans les mégapoles asiatiques et africaines. Les animaux sont consommés, utilisés en médecine traditionnelle, ou servent de trophées. Les écailles de pangolin font par exemple partie des ingrédients de la médecine traditionnelle dans de nombreuses régions d’Asie. La viande de cet animal est aussi considérée comme un mets de choix. Conséquence: le pangolin est devenu l’animal le plus chassé au monde. Après la presque complète extinction et la mise sous protection des quatre variétés asiatiques, la demande de ce continent est aujourd’hui avant tout comblée par l’importation de pangolins depuis l’Afrique. Plus les gens qui vivent près des zones d’habitat des animaux sauvages sont pauvres, plus ils s’adonnent à la chasse. C’est ce qu’ont montré des études réalisées au Ghana, au Cameroun, en Tanzanie et à Madagascar.

Les animaux sauvages peuvent aussi être vendus comme animaux de compagnie ou de zoos, ou comme trophées, surtout aux États-Unis et en Europe. Le profit global généré par la part légale de ce commerce a été multiplié par un facteur de plus de cinq au cours des quatorze dernières années. En 2017, il s’élevait à près de 107 milliards de dollars américains. Avec dix à vingt millions d’animaux sauvages marins et terrestres achetés par année, les USA sont aujourd’hui les plus grands importateurs du monde dans ce domaine. Une croissance fulgurante y a d’ailleurs été observée entre les années 2000 et 2015.

Cela comporte des risques: la variole du singe est apparue pour la première fois aux États-Unis en 2003, avec 71 personnes infectées par cette zoonose. Le virus fait régulièrement surface dans les pays d’Afrique centrale et de l’Ouest et peut être mortel. Il se transmet probablement par contact avec de la viande de la brousse et a été introduit aux USA par un animal importé. Le blockbuster de Netflix «Tiger King» a mis en lumière, au cas où ce n’était pas encore connu, qu’un certain «laisser-faire» règne dans quelques États américains en ce qui concerne l’importation et le commerce d’animaux sauvages.

Juhani Grossmann dirige l’équipe du programme «Green Corruption» du «Basel Institute on Governance». Ses travaux de recherche se concentrent avant tout sur les flux d’argent en lien avec ce commerce illégal. «Il y a longtemps que le crime organisé s’est emparé du commerce d’animaux sauvages», dit-il. «Souvent ce sont les mêmes réseaux qui sont en jeu que dans le commerce illégal d’armes et de drogues». Son équipe aide les gouvernements à démanteler ce genre de réseaux criminels. «Notre approche est du type `follow the money`. Nous suivons les flux d’argent, afin de découvrir qui sont les acteurs principaux.»

Nous avons demandé à Grossmann si selon lui le commerce d’animaux sauvages faisaient courir de grands risques de zoonoses.

 
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Élevages intensifs «producteurs» de virus

Les étables de l’agriculture intensive constituent une autre source de cauchemars pour les spécialistes en zoonoses. Elles aussi fournissent un terrain de culture idéal pour des agents pathogènes ayant le potentiel de provoquer des pandémies. En Chine, il existe des fermes qui élèvent jusqu’à 100'000 vaches, en Australie et aux USA jusqu’à 50'000. Tous ces animaux vivent dans des espaces très restreints. Les maladies contagieuses peuvent s’y répandre comme une traînée de poudre et un manque d’hygiène produit des effets dévastateurs.

Les épidémies de Mers, de Sars, de BSE, de grippes aviaires et porcines ont toutes un lien avec l’élevage intensif de bœufs, de porcs ou de volailles. La diversité génétique des animaux a été perdue à cause de l’industrialisation et de la standardisation de l’agriculture, ce qui représente un risque de plus en plus grand pour la santé des êtres humains. Lorsqu’un virus pénètre à l’intérieur d’une ferme, il s’y reproduit extrêmement vite et peut muter en des souches qui se transmettent à l’homme.

C’est pourquoi l’augmentation des zoonoses dépend directement de notre consommation de viande. Depuis 1961, leur nombre a été globalement multiplié par quatre. En parallèle, le nombre de mammifères, de reptiles, d’oiseaux et de poissons vivant à l’état sauvage a diminué de moitié. Douze espèces de mammifères domestiques servent à ce jour d’hôtes pour près de 50 % des virus zoonotiques connus. Cela comprend des porcs, des bœufs, des chevaux, des moutons et des chèvres.

 


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En réaction à la grippe aviaire et à la propagation du virus H5N1, 100 millions de poules ont été tuées préventivement en Asie entre 2004 et 2005, afin d’éviter une pandémie globale. Au printemps 2004, les pertes économiques estimées pour la seule Chine s’élevaient à 22 milliards de dollars américains.

PLOS One, Mai 2009
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Abattage de masse contre la «pandémie dans la pandémie»

Les animaux domestiques ont aussi payé leur tribut de morts à la pandémie de Covid-19. En novembre 2020, le gouvernement danois a fait savoir que 15 à 17 millions de visons ont été abattus et enterrés. Une mutation du SARS-CoV-2 identifiée chez les visons venait d’être aussi décelée chez les êtres humains. Cela a déclenché une peur énorme que la mutation réduise à néant l’effet positif de la vaccination. On craignait en quelque sorte que les visons soient à l’origine d’une pandémie dans la pandémie.

L’abattage de masse réalisé dans la panique a été suivi quelques mois plus tard d’un épisode inattendu. Dès mai 2021, 13'000 tonnes de cadavres d’animaux ont dû être déterrés et incinérés. Des gaz commençaient à s’échapper du sol à cause de la putréfaction et on craignait une contamination des eaux souterraines.

L’industrie du vison au Danemark a vécu. Beaucoup d’entrepreneuses et d’entrepreneurs du pays avaient investi dans le commerce de cette peau très convoitée. Plus de 1100 compagnies, élevant chacune des milliers d’animaux, produisaient 40 % de toutes les peaux vendues dans le monde. Le Covid-19 a là aussi mis en lumière les énormes risques que de tels élevages uniformes font courir.


 
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Galerie photo: Tchad





Les Peuls qui vivent au bord du lac Tchad se sont spécialisés dans l’élevage des bœufs. Ces animaux constituent leur capital le plus important.
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L’équipe de recherche passe la nuit dans le pré, avec les Peuls et leurs animaux. «J’ai toujours aimé la recherche sur le terrain et le travail avec les animaux», dit l’épidémiologiste.
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Discussion avec les éleveurs nomades. Le traducteur (dos à la caméra) dirige une petite infirmerie. Pendant de nombreuses années, c’est lui qui assurait le lien entre Zinsstag et le peuple Peul du bord du lac Tchad.
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Les bœufs boivent l’eau du lac Tchad et y contractent des maladies parasitaires, comme par exemple la bilharziose (schistosomiase) ou la grande douve du foie.
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Jakob Zinsstag prélève un échantillon de selles pour déterminer la présence d’œufs du parasite provoquant la bilharziose.

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On ajoute d’abord de l’eau aux échantillons pour dissoudre les particules solubles, puis on les filtre.
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Les parasites restent dans le sédiment qui est examiné au microscope.

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L’épidémiologiste et sa doctorante Helena Greter ont monté un laboratoire mobile. Cela leur permet d’examiner les échantillons de selles sur le terrain et de détecter la présence de parasites.
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Une partenaire du projet regarde au microscope l’échantillon que Jakob Zinnstag lui montre.
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Les œufs en forme de fuseau, typiques de la bilharziose bovine, sont visibles au microscope.
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Traitement des bœufs avec un médicament contre la bilharziose.
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Nous autres humains sommes incroyablement mauvais lorsqu’il s’agit d’adapter notre comportement à des risques futurs. C’est aussi valable en matière de prévention des pandémies. Les politiciennes et les politiciens devraient y attacher l’importance nécessaire et lui allouer les budgets correspondants. En effet, comme pour les mesures contre le réchauffement climatique, prévenir les pandémies vaut la peine, notamment du point du vue économique.

Pourtant, la prévention n’est pas particulièrement «sexy» en politique. Elle ne permet pas de gagner des élections. Ce n’est que lorsqu’un virus se déchaîne, qu’il emporte des vies humaines et que les conséquences humanitaires prennent des proportions énormes que la lutte contre la pandémie devient intéressante du point de vue politique. Même si elle se contente alors de combattre les symptômes avec des médicaments, des vaccins et des mesures pour éviter la contagion.

En voici un exemple flagrant et désolant. Pendant son mandat présidentiel, Donald Trump a sciemment diminué l’argent alloué à la prévention des pandémies. En septembre 2019, trois mois avant le déclenchement de l’épidémie de Covid-19 à Wuhan, le président a arrêté de financer «Predict», le plus vaste programme mondial d’alerte précoce des risques de pandémie. Des dizaines de chercheuses et chercheurs ont dû être licenciés. Bien sûr qu’après l’apparition du SARS-CoV-2 le financement a rapidement été rétabli, mais le mal était fait.

Dans l’aperçu ci-dessous, nous présentons les plus importants programmes globaux contre les zoonoses (pour davantage d’informations «déplacez la souris» sur les logos).
 

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Predict
Ce projet doté de 200 millions de dollars américains a été initié par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) et l’Université de Californie. Il a ensuite été mis en œuvre par l’«Eco Health Alliance», en collaboration avec des universités, des projets de préservation et des musées d’histoire naturelle de 30 pays partenaires. Des «chasseuses et chasseurs de virus» ont récolté plus de 140'000 échantillons biologiques, notamment de mucus et de salive, de plus de 10'000 chauves-souris et de 2000 autres mammifères. Le projet a permis d’identifier 1200 virus potentiellement zoonotiques, dont 160 étaient de nouveaux coronavirus. Le programme s’est officiellement terminé en septembre 2020.

Stop Spillover
Ce projet d’un budget de 100 millions de dollars américains a pour objectif de mieux comprendre les zoonoses et leurs risques. Il poursuit en quelque sorte le travail d’enregistrement et de suivi des virus entamé par «Predict». Il a en plus pour mission de développer des tests de la propagation des zoonoses et des mesures pour l’enrayer. Le projet est co-financé par l’USAID et l’Université Tufts, et réalisé par un consortium mondial d’expertes et d’experts en médecine humaine et vétérinaire et en sciences de l’environnement.

Global Virome Project
Depuis des années, l’idée de créer une sorte de «Human Genome Project» pour les virus circule. En 2016, des chercheuses et des chercheurs, des personnes représentant l’ONU, des fondations ou l’industrie privée intéressée se sont réunis pour fonder le «Global Virome Project». Leur vision: séquencer et caractériser 99 % des virus ayant le potentiel de déclencher des zoonoses et des pandémies, et développer sur cette base un système d’alerte précoce. Les initiatrices et initiateurs du projet parlent déjà du «début de la fin de l’ère des pandémies». La grande offensive de séquençage devrait coûter dans les quatre milliards de dollars américains, soit 70 % de l’actuel budget annuel de l’OMS.

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Mais en quoi consiste une prévention censée des pandémies? Les projets mammouth des USA ne convainquent pas tout le monde. En juin 2018, trois chercheurs, un Australien, un Anglais et un Américain, ont partagé leur opinion dans la revue spécialisé «Nature». Ils décrivent les ambitions du «Global Virome Project» comme démesurées et arrogantes.

Le séquençage du génome des virus ne permettra que dans une faible mesure de mieux comprendre le déclenchement des maladies et de le prévoir. Il est beaucoup plus simple, plus efficace et meilleur marché de surveiller en temps réel l’apparition de nouveaux virus dans la population humaine. Jakob Zinsstag et d’autres expertes et experts de «Une seule santé» partagent cette vision, mais mettent en revanche l’accent sur la surveillance des animaux.

Pour Zinsstag, se concentrer sur le séquençage de tous les virus à l’aide de projets mammouth, c’est comme se mettre à compter les arbres, alors qu’il faudrait considérer la forêt dans son ensemble. «Le `Global Virome Project` apporte avant tout une contribution encyclopédique, mais ce n’est pas de la recherche orientée vers l’efficacité», dit-il. «Les virologues veulent tout séquencer. Nous autres épidémiologistes nous intéressons en revanche aux interfaces de la transmission – c’est là que se situe la clé de la prévention des pandémies.» 

 
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«L’étude de la diversité des virus ne constitue qu’un premier pas dans la recherche visant à mieux se préparer aux pandémies. L’accent doit être mis sur les populations animales et les hôtes intermédiaires.»

Christian Drosten, Directeur de l’Institut de virologie, Charité – Hôpital universitaire, Berlin





 
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Sur le plan mondial, des voix se sont élevées récemment pour réclamer la création d’un comité supra étatique chargé de la prévention des pandémies, comme il en existe un pour le climat (IPCC) et pour la biodiversité (IPBES). Celui-ci pourrait faciliter la coordination entre les états de la lutte contre les zoonoses et les pandémies, et fournir des instructions sur la manière de mettre en pratique l’approche «Une seule santé» dans les systèmes de santé.

Une mesure pratique qui pourrait être mise en place tout de suite serait d’établir des «One Health Impact Assessments» (OHIA), comparables aux Études d'impact environnemental (EIE) devenues courantes. Lors de la planification de grands projets ayant un impact important sur l’environnement, comme la construction de pipelines, de barrages ou de routes, on étudierait d’abord leurs effets sur la santé des animaux, des êtres humains et du milieu naturel – et dans quelle mesure ils favoriseraient les zoonoses.

Les pays en voie de développement et les pays émergents tireraient le plus grand bénéfice de tels OHIAs. C’est en effet sur leurs territoires que des milliards sont investis dans des infrastructures pour l’agriculture, l’industrie, la production d’énergie ou les transports – souvent dans des régions extrêmement riches du point de vue de la diversité et dans des écosystèmes fragiles.

Les expertes et experts du comité de l’ONU sur la biodiversité mondiale (IPBES) demandent, dans un rapport spécial sur les interactions entre biodiversité et pandémies publié en octobre 2020, que les coûts économiques correspondant aux risques de pandémies liés au mode de production soient répercutés sur le prix des biens de consommation. Concrètement, cela signifie que le prix d’un morceau de viande de bœuf devra être significativement revu à la hausse, lorsque sa production repose sur la culture de soja au Brésil, car elle-même contribue à l’érosion de la forêt tropicale, ce qui entraîne une diminution de la biodiversité et augmente ainsi le risque de pandémie.

Cette mesure conduirait à une réforme sociale importante: le coût des pandémies futures serait payé par les personnes qui causent le plus de dégâts à l’environnement, et par là-même contribuent à l’augmentation des risques de zoonoses: les riches.

Un rapport du programme de l’ONU pour l’environnement, aussi de 2020, met en avant l’agroécologie comme moyen de lutte contre les pandémies. Une agriculture basée sur la biodiversité plutôt que sur les monocultures contribue au maintien de l’habitat des animaux sauvages et pourrait jouer un rôle important dans la prévention des pandémies. C’est pourquoi le rapport demande d’arrêter de subventionner l’agriculture industrielle, basée sur les monocultures, qui est aujourd’hui soutenue dans beaucoup d’endroits. En Suisse aussi.

 
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«Le Covid-19 n’est ni la première ni la dernière crise sanitaire que nous allons vivre. Mes collègues de la recherche estiment qu’à partir de maintenant nous allons subir une pandémie ou une autre crise sanitaire tous les cinq ans. Et c’est peut-être le scénario le plus optimiste – la réalité pourrait être encore bien pire.»

Sally Davies, médecin et ancienne «Chief Medical Officer» (CMO) de l’Angleterre
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Le laboratoire de l’Institut de virologie et d’immunologie (IVI) se trouve dans le paisible village de Mittelhäusern, à 13 km au sud-est de Berne. C’est un laboratoire de référence en Suisse en matière de diagnostic, de contrôle et de recherche sur les virus pathogènes d’origine animale hautement contagieux. Dans le laboratoire de degré de sécurité 4, les virus Ébola ou Lassa peuvent être manipulés et les biologistes, les virologistes, les microbiologistes et les immunologues y travaillent depuis des années sur des coronavirus animaux très contagieux.

C’est pourquoi une équipe a déjà réussi à la mi-février 2020 de synthétiser un clone du SARS-CoV-2, sur la base d’une séquence du virus provenant d’un patient chinois de Wuhan et envoyée à Mittelhäusern. Des dizaines de groupes de recherche du monde entier ont par la suite utilisé ce clone pour effectuer leur propre recherche sur le Covid-19.

Nous avons demandé à Barbara Wieland, la nouvelle Directrice de l’Institut de virologie et d’immunologie, ce qu’elle pensait du risque que représentent les zoonoses en Suisse.

 
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Absence de stratégie nationale contre les zoonoses

Depuis 2012, les questions liées à la médecine humaine et à la médecine vétérinaire sont bien rattachées au même département, mais les deux offices fédéraux fonctionnent encore largement de manière séparée. D’un côté l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) et de l’autre l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV). Ce mode de fonctionnement est contraire à l’approche «Une seule santé» qui intègre la médecine humaine et la médecine vétérinaire.

Il y a toutefois une exception, il s’agit de la lutte contre la résistance aux antibiotiques. Le 18 novembre 2015, le Conseil fédéral a adopté la «Stratégie Antibiorésistance» (StAR) qui se réfère explicitement à l’approche «Une seule santé». La même année, le Programme national de recherche «La résistance aux antimicrobiens – une approche One-Health» (PNR 72) a été lancé. La mise en œuvre qui impliquait l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) et l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) a débuté en 2016. Le Conseiller fédéral Alain Berset a écrit dans l’avant-propos de la brochure explicative StAR que l’antibiorésistance ne pourra être enrayée que si une coopération s’instaure entre la médecine humaine, la médecine vétérinaire, l’agriculture et l’environnement. C’était en quelque sorte un plaidoyer pour «Une seule santé».

C’est d’autant plus étonnant qu’à ce jour une telle stratégie «Une seule santé» n’existe pas pour les zoonoses. En 2017, un «Sous-organe One Health» a bien été créé pour se consacrer explicitement à la surveillance et à la lutte contre la propagation des zoonoses et des vecteurs de maladies infectieuses, selon le document de fondation. Selon ce règlement, le sous-organe a bien pour mission «d’encourager l’échange d’expériences à l’échelle suisse dans le domaine One Health et de rendre possible l’utilisation des potentiels de synergies.» Ses membres sont des représentantes et des représentants à nouveau de l’OSAV, de l’OFSP, de l’OFEV et de l’OFAG, de chacune des fonctions suivantes: médecin cantonal, chimiste cantonal, pharmacien cantonal, vétérinaire cantonal, ainsi que du service vétérinaire de l’armée.

Entre 2017 et 2021, le sous-organe s’est réuni pour douze séances et plusieurs workshops. Dans le procès-verbal de la séance du 5 juillet 2021, il est écrit que les membres planifient la création d’un organe «One Health Suisse», qui sera accompagné par un groupe d’expertes et d’experts. À la fin du protocole figure la phrase suivante: «La volonté de créer la meilleure structure One Health Suisse possible est vraiment manifeste!» Six mois plus tard, nous avons interrogé l’OSAV sur la question. On nous a alors répondu qu’il n’y avait pas encore de projet quant à la structure de cet organe, et que pour le moment le travail du sous-organe continuait comme auparavant.

Le sous-organe «One Health» a un secrétariat scientifique rattaché à l’OSAV, qui se charge de sa gestion. Nous avons interrogé Katharina Stärk, alors directrice de la division Santé animale, sur les objectifs de ce sous-organe et sur le rôle qui lui avait été assigné pendant la pandémie.

 

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«Zoo…, quoi?» Cette question nous a souvent été posée ces derniers mois, lorsque nous avons parlé de notre recherche à quelqu’un. Peu de personnes connaissaient le terme «zoonose», ce qui est étonnant, parce que les zoonoses ont joué un rôle dans l’histoire de l’humanité. À plusieurs reprises, elles ont été à l’origine de grands bouleversements dans la société.
  • La peste bubonique ou peste noire qui a décimé un tiers de la population européenne au 14e siècle a été causée par Yersinia pestis, une bactérie zoonotique.
  • Les grandes flambées de tuberculose dans l’Europe du 19e siècle, dont une personne atteinte sur quatre mourrait, ont été provoquées par une mycobactérie zoonotique (en plus de la tuberculose humaine). L’industrialisation et l’urbanisation ont contribué de manière importante à l’épidémie. Elles ont mis des millions de personnes en contact étroit, dans de mauvaises conditions d’hygiène. Jusqu’à    aujourd’hui, un million de personnes meurent chaque année de la tuberculose, surtout dans les pays en voie de développement.
  • C’est aussi une zoonose qui est à l’origine de la pandémie de SIDA qui sévit aujourd’hui encore. Les hôtes naturels du VIH sont des chauves-souris. Grâce à des prélèvements génétiques, il a pu être démontré que le virus avait déjà été transmis à des êtres humains au début du 20e siècle, dans des villages isolés de la forêt vierge, en République démocratique du Congo. Pourtant, ce n’est qu’au début des années 1980 que le VIH a réussi à se répandre partout dans le monde et à générer une pandémie, à la faveur de l’accroissement de la mobilité et des vols à bas prix. À la fin 2020, 38 millions de personnes vivaient avec cette infection, deux tiers d’entre elles en Afrique.
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Le terme zoonose provient de l’association de deux mots grecs: zoon qui signifie l’animal et noson la maladie. En effet les zoonoses sont des maladies qui se transmettent de l’animal à l’homme (zooanthroponoses) ou dans des cas plus rares de l’homme à l’animal (anthropozoonoses). Le saut d’un virus d’un espèce à une autre peut être direct, par exemple lors d’une morsure par un chien dans le cas de la rage. Il peut aussi intervenir par l’entremise d’un intermédiaire, comme dans le cas du virus du Nil occidental, à l’origine présent chez les oiseaux sauvages et qui est transmis à l’homme par les moustiques (zoonose indirecte).

Les agents pathogènes qui passent de l’animal à l’homme sont avant tout des virus, comme le VIH ou le SARS-CoV-2, et des bactéries, comme celles qui causent la tuberculose, la borréliose ou la maladie du charbon. Les contaminations zoonotiques ont lieu lors d’un contact direct avec du sang, de la salive, des matières fécales ou avec d’autres liquides corporels d’animaux vivants ou morts, par exemple au moment de l’abattage. Les agents pathogènes peuvent aussi être transmis par l’eau ou des denrées animales, comme le lait, les œufs ou la viande insuffisamment cuite.
 
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Les expertes et les experts estiment à près de 1.7 millions le nombre de virus présents dans les mammifères et les oiseaux et que nous ne connaissons pas encore. Parmi ceux-ci, entre 540'000 et 850'000 sont potentiellement zoonotiques et susceptibles d’être transmis à l’être humain.

Workshop Report on Biodiversity and Pandemics of the Intergovernmental Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES)
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Risque accru de zoonose

En 2008, l’étude d’un groupe mené par la spécialiste des sciences de l’environnement Kate Jones et le zoologiste Peter Daszak est devenue mondialement célèbre: les chercheuses et les chercheurs ont réussi pour la première fois à chiffrer l’augmentation rapide du nombre de maladies infectieuses et à localiser les endroits à risque. Entre 1940 et 2004, elles et ils ont identifié 335 nouveaux agents pathogènes, dont des versions mutées de bactéries ou virus connus, comme la tuberculose, et d’autres entièrement originaux comme le VIH.

Plus de 60 % des organismes pathogènes pour les humains étaient d’origine animale et 72 % d’entre eux venaient d’animaux sauvages (dont le SARS et le virus Ébola). Phénomène particulièrement inquiétant, leur étude montrait que le nombre de nouveaux agents pathogènes augmentait de manière significative au cours du temps. Pendant les années 1980 on constate l’apparition d’un pic, avec presque cinq fois plus de nouveaux agents pathogènes enregistrés qu’en 1940.

Les chercheuses et les chercheurs ont expliqué cette augmentation par des facteurs socio-économiques (croissance de la population et densification), des facteurs environnementaux (altitude et précipitations) et des facteurs écologiques (degré de biodiversité du milieu sauvage).

 
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Durant les vingt dernières années, il y a eu tous les quatre à cinq ans une importante propagation d’une maladie infectieuse au niveau mondial, dont le SARS, le H1N1, le MERS et le Covid-19. À cela s’ajoutent le VIH et Ébola, qui ont provoqué 29 déclenchements d’épidémies locales en cinquante ans.

G20: A global deal for our pandemic age, Juni 2021
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En mai 2019, l’ONU a lancé une alerte: la destruction de la nature en cours est sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Le rapport le plus complet jusqu’alors sur l’état actuel des écosystèmes et de la biodiversité au niveau mondial venait d’être publié par le comité de l’ONU sur la biodiversité (IPBES). Pas moins de 455 expertes et experts de différentes disciplines et provenant de 50 pays ont analysé de manière systématique pendant trois ans plus de 15'000 rapports scientifiques ou gouvernementaux. Leur conclusion: la biodiversité sur terre recule à une vitesse encore jamais égalée. Un million d’espèces animales et végétales sont sur le point de disparaître. L’industrialisation de l’agriculture et la destruction des forêts en sont des causes importantes.

Un an plus tard, les expertes et experts du programme pour l’environnement de l’ONU (UNEP) ont rassemblé les résultats de 167 études sur la provenance des zoonoses et sur les causes des pandémies. Ils sont arrivés à la conclusion que la baisse énorme de la biodiversité et la réduction des surfaces enforestées favorisent grandement l’apparition de zoonoses et augmentent fortement le risque de pandémie qui en découle. Le rapport spécifie que: «les pandémies telles que celle de Covid-19 sont des conséquences prévisibles et prédites de la manière dont les êtres humains produisent de la nourriture, commercent, consomment de la viande et modifient leur environnement.»

 


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Actuellement près de 10 millions d’hectares de forêt sont détruits chaque année. La responsabilité en incombe surtout à de grands groupes internationaux qui utilisent les terrains défrichés pour produire des biens de consommation très lucratifs, comme l’huile de palme, le caoutchouc, le soja ou la viande.

Rapport de l’UNEP sur la prévention des pandémies, juillet 2020

 
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Achats de terrains et risques de pandémie

Markus Giger est agroéconomiste et chercheur au «Center for Development and Environment» de l’Université de Berne. Jusqu’à récemment, il ne s’y connaissait pas spécialement en virus et en zoonoses. Depuis 2012, il travaille toutefois pour la «Land Matrix Initiative» et documente méticuleusement les grands échanges commerciaux de terrains dans une grande base de données. Les informations récoltées permettent de suivre l’évolution de la vente de terrains au fil du temps, qui achète et qui vend, et quels sont les effets des transactions sur la nature.

Jusqu’en novembre 2020, 2485 ventes de terrains d’une surface supérieure à 200 hectares enregistrées dans la base de données concernaient des pays avec des revenus bas ou moyens, surtout en Afrique, en Asie du Sud-est et en Amérique latine. Plus de 70 % de ces 43 millions d’hectares sont utilisés pour produire des biens exportés sur les marchés internationaux, avant tout de l’huile de palme, du fourrage et de la viande de bœuf.

En 2021, Giger a pour la première fois superposé la carte des ventes de terrains de sa matrice (voir l’illustration tirée de Giger M. et al. 2021) à la carte mondiale des zones où la biodiversité est remarquable. Résultat: 87 % des transactions concernaient des régions de biodiversité moyenne à élevée. De plus, plus de 30 % de ces parcelles incluaient des terrains protégés ou voisins de zones protégées.

Nous avons interrogé Markus Giger pour savoir ce qu’il pensait de la situation actuelle.

 
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Pour 30 % des maladies infectieuses apparues depuis les années 1960, il est possible de voir un lien avec un changement intervenu dans l’environnement, surtout avec la déforestation, mais aussi l’urbanisation et l’expansion de l’agriculture.

Rapport de l’IPBES sur la biodiversité et les pandémies, octobre 2020



 
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Regardons par exemple la transaction n°1166 de la base de données de Markus Giger – un achat de terrain dans la République du Congo pour la production d’huile de palme. Les 180'000 hectares (plus de 250'000 terrains de football) comprennent d’immenses portions de terrain recouverts d’une forêt tropicale encore vierge au jour de la vente et bordent deux parcs nationaux. L’investisseur est «Atama Resources» de Maurice, une entreprise qui gère des fonds dans les Îles Vierges britanniques et en Malaisie. La production d’huile de palme à vaste échelle, objectif de l’achat du terrain, n’a pas encore commencé, mais les images satellites montrent que la première route d’accès a été construite et que le défrichage a débuté.

À cause de telles routes, les êtres humains entrent en contact avec les animaux sauvages et leurs virus et ramènent des pathogènes dans les zones habitées où la population est dense. Ces voies de transport jouent le rôle de corridors à agents infectieux et augmentent considérablement le risque de passage des maladies zoonotiques d’une espèce à l’autre et le déclenchement d’épidémies.


 
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Une aubaine pour les espèces généralistes

Dans les zones de grande biodiversité, la richesse en animaux et plantes variés a un effet tampon; les virus ne peuvent s’y multiplier que lentement. Une fois que la forêt a été brûlée et remplacée par une monoculture pour produire de l’huile de palme ou du soja, l’efficacité du tampon diminue. Des études montrent que dans les écosystèmes fortement modifiés par l’être humain, les hôtes des maladies zoonotiques peuvent davantage se déplacer et que cela favorise le passage des agents pathogènes des animaux sauvages aux animaux d’élevage, puis à l’être humain. En sont par exemple témoins les flambées récurrentes du virus Ébola dans les années 1990. Ces déclenchements d’épidémie se sont surtout produits en Afrique centrale et de l’Ouest, là où de grandes portions de forêts avaient été défrichées.

La destruction de la forêt provoque un rapide déclin des espèces spécialisées, des singes par exemple. Elle induit à l’inverse la prolifération d’espèces adaptées, appelées aussi généralistes, comme les rongeurs et les chauves-souris. Leur rôle de réservoirs favorables à la multiplication des agents pathogènes, sans que pour autant les porteurs ne tombent eux-mêmes malades ou ne meurent, est connu. De tels espèces généralistes se retrouvent souvent à l’origine directe ou indirecte de zoonoses.

Les espèces généralistes arrivent assez bien à s’adapter à des habitats détériorés de faible biodiversité. Si leur espace de vie se restreint, ils peuvent s’établir dans les villages ou dans les banlieues, à proximité immédiate des êtres humains.

Simone Sommer est professeure d’écologie évolutive et de génétique de la conservation à l’Université d’Ulm. Elle s’intéresse depuis des années aux effets des modifications de l’environnement sur les animaux sauvages et à l’augmentation des zoonoses. Au moyen d’une technique de séquençage empruntée à la génétique moléculaire, elle étudie de nombreux agents pathogènes différents et la variation de la diversité immunogénétique, spécialement dans le microbiome, c’est-à-dire dans l’ensemble des bactéries qui colonisent les intestins. Dans de vastes projets de recherche en Afrique australe, au Brésil et récemment au Panama, l’équipe de Simone Sommer étudie les effets des changements d’affectation du sol ainsi que de la destruction des écosystèmes sur l’écologie et sur la santé des animaux sauvages.

Dans une étude sur le rat épineux de la famille des Echimyidiae réalisée à Panama et publiée récemment, les chercheuses et les chercheurs ont pu montrer que la fragmentation de l’habitat naturel a induit des changements dans la régulation de la flore intestinale. Celle-ci joue un rôle capital dans la santé des animaux et de l’être humain. Des changements défavorables les rendent plus fragiles faces aux infections et favorisent les zoonoses.

Les rongeurs sont certes capables de s’adapter relativement bien aux variations de leur environnement, mais eux non plus n’arrivent plus à suivre le rythme effréné de changements imposé par l’anthropocène. Simone Sommer tire la sonnette d’alarme et avertit que les résultats obtenus à Panama pourraient annoncer une nouvelle augmentation des épidémies et des pandémies d’origine zoonotique.

 
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Audio en allemand: Dans un podcast réalisé pour l’exposition «Earth Beats» du Kunsthaus de Zurich, Simone Sommer explique pourquoi notre santé dépend de la nature en tant que système.

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Climat favorable aux zoonoses

La perte de biodiversité, la crise climatique de plus en plus sévère et l’augmentation des zoonoses sont étroitement liées entre elles. L’élévation globale de la température n’a pas seulement pour effet de priver les animaux de leur habitat – et avec eux aussi les agents pathogènes – mais elle offre également des conditions de vie plus favorables à des porteurs de maladies (vecteurs). C’est le cas par exemple pour les tiques, qui transmettent la borréliose, une infection bactérienne qui peut conduire à une inflammation du cerveau et des méninges, ou pour le moustique anophèle, vecteur de la malaria.

Beaucoup de zoonoses se propagent particulièrement bien dans les climats chauds et humides. C’est pourquoi de nombreux virus font aujourd’hui leur apparition dans des régions qui étaient avant considérées comme sûres. Le virus du Nil occidental a par exemple été détecté pour la première fois au Sud de l’Allemagne pendant la canicule de l’été 2018. Cet agent pathogène était à l’origine présent dans de vastes territoires d’Afrique et d’Asie, puis, dans les années 1990, il est arrivé aux USA où il s’est rapidement répandu. Depuis quelques années, les cas sont de plus en plus fréquents aussi en Europe.

La même année, deux nouvelles espèces de tiques originaires d’Afrique et d’Asie ont été pour la première fois enregistrées en Allemagne. Elles ont probablement été amenées par des oiseaux migrateurs. Sans doute que cela s’est déjà produit précédemment, mais c’est la première fois qu’elles ont pu survivre en Allemagne, grâce aux températures plus élevées.

Protéger le climat nous préserve aussi des pandémies, c’est une évidence. La conservation de la forêt, tout particulièrement dans la ceinture tropicale, constitue la plus efficace des mesures contre la progression de la crise climatique et contre la perte de biodiversité. Grâce à la photosynthèse, les forêts absorbent des quantités énormes de dioxyde de carbone. Elles jouent en même temps, le rôle de remparts contre de futures zoonoses.

Les coûts générés par la protection des espèces et du climat sont faibles comparés à ceux d’une pandémie. Dans une étude publiée en 2020 dans la revue «Science», une équipe composée de spécialistes en écologie et en économie démontre que l’application de mesures politiques contre la déforestation et le commerce d’animaux sauvages pendant dix ans ne coûteraient que 10 % des montants dépensés pour lutter contre la pandémie de Covid-19.


 

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«Les faits sont clairs, c’est une évidence scientifique: si nous continuons à exploiter les animaux sauvages et à détruire nos écosystèmes, nous pouvons nous attendre à une augmentation constante des maladies de ce type, qui passent des animaux à l’être humain.»

Inger Andersen, Directrice du «United Nations Environment Programme» (UNEP)

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